Le talisman de la Villette
est élu « prince des poètes ».
Les amateurs de nouveautés littéraires ont le choix entre : Les Morticoles , de Léon Daudet, Derniers essais d e critique d’histoire , de Taine, Le Lys rouge , d’Anatole France, Poil de carotte , de Jules Renard, Les Chansons de Bilitis , de Pierre Louys, Les Cinq Sous de Lavarède , de Paul d’Ivoi, La Fin du monde , de Camille Flammarion. Et pour ceux qui maîtrisent l’anglais : Le Livre de la jungle , de Rudyard Kipling. Le dernier tome, posthume, du Capital paraît.
Monet peint la cathédrale de Rouen, le Douanier Rousseau, La Guerre, Toulouse-Lautrec, l’ Album Yvette Guilbert , illustré de seize lithographies, Vuillard réalise des décorations pour Natanson, et Mucha, une affiche pour Gismonda , que joue Sarah Bernhardt Rodin sculpte ses Bourgeois de Calais , Vincent d’Indy fonde la Schola cantorum.
Et tandis que se déroulent ces événements, de futurs écrivains, cinéastes, photographes, souverains, acteurs et savants viennent au monde. Ils se nomment Josef von Sternberg, Jean Renoir, Louis-Ferdinand Céline, Dashiell Hammett, Jacques-Henri Lartigue, Édouard VIII d’Angleterre, Mary Marquet, Jean Rostand.
Le procès pour avortement dont il est question dans ce roman s’est déroulé en novembre 1891 devant les assises de la Seine. La presse de l’époque a largement relaté le déroulement des audiences.
Une polémique s’est engagée via les journaux : on ne fait plus assez d’enfants, le pays se dépeuple, il y a deux fois moins de naissances par an en France qu’en Allemagne. Les causes principales sont imputées à la prostitution due aux bas salaires féminins, aux nombreux infanticides et aux avortements.
Les avortements, « voilà la lèpre qui ronge notre société moderne et concourt à amener la dénatalité », publie La Patrie dans ses colonnes.
À Paris, les pratiques abortives sont journalières et en province le mal n’est pas moindre, il sévit aussi bien chez les couples concubins que dans les ménages réguliers, il frappe toutes les classes sociales mais plus particulièrement les prolétaires. À côté des grands procès, combien d’avortements ignorés, combien d’infanticides ?
« La loi ! Quand elle frappe auteurs ou complices d’un avortement, ils s’en tirent le plus souvent avec quelques mois de prison. Voilà la loi ! Elle est insuffisante, il faudrait une législation draconienne et des peines sévèrement, inexorablement appliquées. »
Ce que La Patrie oublie de mentionner dans sa diatribe, c’est l’impossibilité pour les femmes d’avoir accès aux études, encore plus pour les femmes prolétaires. C’est la mortalité infantile avant l’âge de cinq mois, c’est la misère, ce sont les bas salaires.
La journaliste Séverine se fait le porte-parole des laissés-pour-compte :
« Car, chacun le sait bien, le germe, sacré pendant la parturition, devient quantité négligeable dès qu’il est formulé humanité raisonnante, peinante, consciente ! Qu’une fille crève de misère, qu’un vieillard crève de faim, qu’un garçon, dans la fleur de l’âge, ait les jambes fauchées sous des roues ou l’estomac décousu par un éclat d’obus, ce sont là certes des incidents regrettables, mais inhérents à toute civilisation avancée. Ces meurtres sont nécessaires.
Ce qui serait fâcheux, ce qui serait réprouvable, c’eût été d’avancer l’heure de ce trépas consacré ; de rapprocher la limite légale ; de tuer, dans les flancs maternels, cette fille avant qu’elle ait reproduit ; ce vieillard avant qu’il ait donné sa somme de travail ; ce garçon, avant qu’il ait fourni son effort ! Ce serait toucher au garde-manger de la guerre, détourner les provisions de paupérisme indispensable à l’équilibre de la fortune publique ; reconnaître que les miséreux ont droit de refus, droit de désertion, droit de préférer le néant à la souffrance…»
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by Luca Calcinai
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