Le templier déchu
attendant de savoir ce qu’il lui faudrait encore apprendre pour remplir sa part du marché.
Il devina qu’il n’allait pas tarder à le savoir lorsque Lucas émergea du couvert des arbres et adressa un signe au comte d’Exford.
Ce dernier se tourna vers Alexandre.
— Notre transaction n’est pas terminée. Avant de sceller notre entente, je veux vous montrer quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Venez, suivez-moi.
Un petit frisson désagréable courut sur la nuque d’Alexandre. Lucas arborait un sourire venimeux qui ne présageait rien de bon tandis que Stephen et lui leur emboîtaient le pas. Le comte se dirigea vers l’extrémité de la clairière. Le sous-bois était très sombre, et Alexandre dut plisser les paupières avant de distinguer la silhouette d’un homme étendu sur le dos, sous la surveillance de deux soldats.
Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine. Il s’efforça de discerner les traits de l’homme, alors même que naissait dans son esprit la certitude de son identité.
— Jean ! cria-t-il.
Des mains lui saisirent les bras à l’instant où il s’élançait.
Bouillant de rage, Alexandre vit le comte d’Exford s’approcher avec nonchalance de Jean de Clifton qui gémissait doucement, les yeux clos.
— Que lui avez-vous fait ? gronda-t-il.
— Ce qu’il fallait pour qu’il se tienne tranquille. Messire Jean est un de vos amis, je présume ?
Alexandre ne répondit pas, la bouche tordue par l’amertume. Il était inutile de répondre, Lucas avait visiblement déjà renseigné le comte. Ainsi donc, ce dernier venait de se rendre coupable d’une ultime trahison envers un camarade au côté de qui il avait combattu par le passé.
Alexandre se réjouissait presque de ce qu’il réservait à ce fourbe en guise de vengeance... pour peu qu’il vive assez.
— Messire Jean a été arrêté presque en même temps que vous, reprit Exford sans se laisser décourager. Cet homme est certainement un allié loyal, car il n’a pas hésité à quitter sa cachette quand il a compris que vous ne pourriez échapper à mes hommes. Pour le forcer à se rendre, il a fallu le menacer de vous ôter la vie sur-le-champ.
Exford fit claquer sa langue d’un air de fausse commisération. N’eût été Stephen, qui le retenait, Alexandre aurait bondi pour lui écraser son poing sur la figure.
Croisant le regard de Lucas, il grinça :
— Si jamais il meurt par ta faute, je te promets que tu le paieras de ta vie !
— Ces menaces me terrifient, Ashby, rétorqua Lucas. Mais ne crains rien, Jean n’a que quelques contusions, même s’il est bon pour un sacré mal de crâne au réveil. Ceci n’était qu’un avertissement.
Alexandre ferma les yeux. Il ne pourrait pas, comme il l’avait un temps espéré, jurer sur l’honneur qu’il s’acquitterait de sa mission, puis fausser compagnie au comte dans un ultime pied de nez. Non. Son sort était désormais scellé, et il le sut avant même que la voix grave d’Exford ne résonne dans la clairière :
— Voyez-vous, Ashby, la présence de messire Jean de Clifton sera la garantie de votre bonne volonté. D’ici quelque temps, vous irez au château de Dunleavy, accompagné de plusieurs de mes hommes, dont messire Lucas. Et si jamais vous déviez de la ligne que nous avons choisie, si jamais vous échouez à jouer le rôle que vous avez accepté, je puis vous assurer que votre ami en subira les conséquences de la pire des façons... avant de mourir.
2
Deux mois plus tard, Dunleavy Castle
Le soleil plongeait vers l’horizon, baignant la campagne d’une lumière dorée. Debout sur le chemin de ronde, juste au-dessus du pont-levis, Elizabeth scrutait les alentours.
Son regard s’arrêta sur un point noir, au loin. À chaque seconde qui passait, la tache grossissait. Bientôt, elle put distinguer les cavaliers, au nombre de trois. La main crispée sur la pierre rugueuse du créneau, elle regardait le nuage de poussière soulevé par les sabots des montures qui approchaient de la forteresse.
Le message qu’elle avait reçu quelques heures plus tôt affirmait que l’un de ces trois hommes n’était autre que son époux, Robert.
S’apercevant soudain qu’elle retenait son souffle depuis un moment, elle se força à prendre une profonde inspiration.
Oui, Robert était de retour.
Après toutes ces années où elle n’avait eu d’autre choix que de se montrer forte, de s’occuper seule de ce château et d’en
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