Le templier déchu
protéger les habitants, elle allait enfin pouvoir partager son fardeau avec l’homme qui l’y avait amenée cinq ans plus tôt. L’homme que les Anglais avaient capturé quelques semaines plus tard.
Dorénavant, elle ne serait plus seule pour tenir ces sièges face à l’envahisseur anglais. Des sièges qui l’épuisaient et la mettaient en rage à la pensée de ces vies humaines perdues et de ces souffrances causées en vain.
Même si Robert était d’un tempérament paisible, il défendrait bec et ongles le domaine qui lui avait été transmis par ses ancêtres et dont il était le maître incontesté. C’était un homme intègre, loyal, fidèle à ses valeurs. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, Elizabeth savait qu’elle avait fait le bon choix en acceptant de l’épouser.
Au temps où il la courtisait, il s’était montré prévenant. Et durant la brève période de leur mariage, il avait révélé une nature calme, réservée et attentionnée.
Il lui avait manqué. Oh oui ! Et de bien des façons... Une brusque chaleur lui enflamma les joues tandis que des pensées illicites fleurissaient dans son esprit.
Inutile de le nier, l’intimité physique faisait partie des choses dont elle s’était le plus languie. Elle n’avait pas vécu cette communion des corps comme un devoir pénible auquel une bonne épouse ne pouvait se soustraire, ainsi que le lui avait laissé entendre sa sœur aînée, mariée sept ans plus tôt à laird Ian MacGavin d’Inverness.
Suzanne l’avait mise en garde : cela faisait mal et c’était terriblement inconfortable. Aussi Elizabeth avait-elle été étonnée de ne pas trouver la chose désagréable. Excepté la première fois, peut-être, cela n’avait rien eu d’intolérable. Par la suite, elle s’était même surprise à attendre ces moments de complicité partagés dans le secret de la chambre conjugale.
Confuse, elle jeta un coup d’œil furtif à ses suivantes, qui attendaient comme elle le retour du seigneur du château. Heureusement, elles ne semblaient pas s’être aperçues de son trouble.
D’ailleurs aucune ne lui prêtait attention. Tous les regards étaient rivés sur les trois cavaliers qui, bien visibles, à présent, avaient ralenti l’allure à l’approche du château.
À cet instant, une brise froide s’infiltra entre les créneaux et les longs cheveux blonds d’Elizabeth, retenus par un simple diadème, se mirent à danser dans le vent.
D’un geste impatient, elle les rejeta en arrière. Son regard tomba alors sur le dos de sa main, là où la peau était rêche, résultat des corvées dont elle se chargeait elle-même.
Contrariée, elle inspecta ses paumes d’un œil critique. Puis elle se toucha les joues. La peau y était certes moins sèche, mais la douceur veloutée de l’enfance s’était envolée. Ce qui n’avait rien de surprenant. Son précieux miroir cerclé d’or lui avait montré les fines lignes qui striaient le coin de ses yeux. Jusqu’à présent, elle n’y avait pas pris garde. Elle avait d’autres chats à fouetter. Mais elle se demandait soudain si Robert les remarquerait, et serait déçu. Après tout, il avait gardé en mémoire l’image de la femme qu’elle était cinq ans plus tôt.
Annabelle, sa suivante préférée, lui glissa à l’oreille :
— Vous n’avez rien à craindre, madame. Vous êtes belle comme le jour.
Elizabeth lui jeta un regard incertain. Annabelle lui sourit d’un air complice et ajouta avec ce qu’il fallait de respect :
— Je vous jure que messire Robert ne pourra détacher les yeux de vous.
Elizabeth étouffa un petit rire nerveux.
— Mon mari n’a jamais été du genre à ne pouvoir détacher les yeux de qui ou de quoi que ce soit. Il faudrait qu’il ait beaucoup changé pour s’attarder ainsi à me contempler. En revanche, je gage qu’il remarquera le passage du temps sur mon visage...
— Qu’allez-vous chercher là ? Le temps a été clément envers vous, madame. Du reste, lord Marston aussi aura changé. Un homme ne passe pas cinq ans en prison sans en sortir métamorphosé.
— Nous verrons, murmura Elizabeth.
Elle reporta son attention sur les trois hommes, plus particulièrement celui du milieu, dont la silhouette correspondait le plus à celle de son mari.
Les cavaliers se trouvaient maintenant à une centaine de pas des douves. Il n’était plus temps de rêvasser, décida-t-elle. Elle devait se poster au sommet de l’escalier
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