Le templier déchu
de pierre qui menait à la grande salle afin d’accueillir son époux comme il le méritait.
Elle fit signe à Annabelle.
— Fais dire aux domestiques et aux habitants du château de se positionner en rang de chaque côté de la cour intérieure pendant que j’attends mon époux.
Tandis qu’Annabelle s’éclipsait, Elizabeth gagna l’endroit où elle allait revoir son mari pour la première fois depuis cinq ans. Comment réagirait-il au moment des retrouvailles ? Peut-être la prendrait-il dans ses bras, ou se contenterait-il d’un chaste baiser. Robert était d’une nature réservée, et elle savait qu’il détestait les effusions en public.
Pour le reste... elle devrait attendre qu’ils jouissent d’un peu d’intimité, après le banquet qu’elle avait fait préparer en son honneur.
À cette pensée, un sourire naquit sur ses lèvres. Elle eut du mal à le réprimer et, la main pressée contre sa poitrine, comme pour apaiser les battements de son cœur, elle s’engagea dans le sombre escalier qui permettait de rejoindre la cour.
À mesure qu’ils approchaient de l’imposante forteresse qui, durant les prochaines semaines, allait être à la fois sa maison et sa prison, Alexandre se souvint qu’il devait sembler parfaitement à son aise dans cet environnement censé lui être familier. Ne pas laisser paraître cette rancœur tenace qui le rongeait depuis deux mois qu’Exford avait fait de lui sa marionnette. Il ne pouvait se permettre la moindre erreur, ou Jean le paierait de sa vie.
On ne s’était pas gêné pour le lui rappeler, ces derniers temps. En effet, durant la période où il avait dû parfaire son éducation afin d’entrer dans la peau du comte de Marston, tout s’était à peu près bien passé pour Jean tant qu’il avait fait preuve de bonne volonté. Mais les rares fois où il avait renâclé ou s’était emporté – la plupart du temps quand il avait affaire à Lucas –, des représailles avaient aussitôt été exercées à l’encontre de son camarade.
À ce souvenir, Alexandre ne put s’empêcher de crisper les mâchoires.
Bien entendu, on ne l’avait jamais autorisé à parler avec Jean, et il ne l’avait aperçu que de loin en loin. Néanmoins, on lui avait fait clairement savoir quel retentissement sur le bien-être de son ami avaient ses actions. Il s’était donc efforcé de coopérer, tout en se jurant qu’à la première occasion, il se vengerait sans pitié sur Lucas, ainsi que sur lord Exford, et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, étaient impliqués dans cette histoire.
— Nous y voilà, murmura Lucas.
— Merci de nous fournir cette information capitale, railla Alexandre en le gratifiant d’un regard sardonique.
— Tu ferais bien d’afficher une mine un peu plus avenante, riposta Lucas, vexé, ou le jeu risque de s’achever avant même d’avoir commencé.
Sans avoir à tourner la tête, Alexandre perçut l’agacement de Stephen à cette nouvelle manifestation d’animosité entre Lucas et lui, ce qui ne l’empêcha pas de rétorquer :
— Ne t’inquiète pas, Lucas, je sais parfaitement quels sont les enjeux. Mais à mon tour, laisse-moi te rappeler que je suis désormais le comte de Marston, qui a eu la bonté de t’arracher à ta prison anglaise et de te ramener dans son fief. Au lieu de me chapitrer, tu ferais mieux de mettre en pratique les conseils dont tu es si prodigue. Souris donc, sinon je me choisirai un autre compagnon plus aimable.
Lucas ravala un rire mauvais, mais ne put répliquer, car la herse venait de se soulever. Leurs montures au pas, ils franchirent le pont-levis.
Hormis quelques sentinelles postées là, la cour extérieure était déserte. Alexandre rendit leur salut aux gardes, puis guida son hongre en direction de la deuxième porte. Il remarqua tout de suite la tranchée comblée d’herbe et de terre mêlées qui longeait le mur d’enceinte.
— Intéressant, murmura-t-il. Que dites-vous de cela ?
Comme d’habitude, Stephen garda le silence. Mais Lucas ne répondit pas non plus, aussi Alexandre lui jeta-t-il un regard étonné. Les traits figés, Lucas fixait un point droit devant lui.
Alexandre suivit la direction de son regard.
Et c’est alors qu’il la vit.
La femme qui avait retenu l’attention de Lucas. Elle se tenait à l’extrémité de la cour intérieure, au sommet d’un escalier de pierre. Tout dans son maintien la désignait comme la châtelaine. Et il ne
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