Le templier déchu
temps plus tard, et c’est alors qu’ils étaient devenus amis avec Jean et Richard.
Mais c’était bien leur seul point commun.
Son frère et ses amis vivaient et respiraient pour l’honneur et l’intégrité. Et, à dire vrai, Alexandre aurait aimé posséder une telle force de conviction. Mais à maintes reprises, il avait eu la preuve qu’il était foncièrement incapable de tenir parole, quelle que soit l’importance de l’enjeu, et quand bien même ses intentions étaient pures à l’origine.
Une fois, une seule, il avait fait preuve de grandeur d’âme. Cela s’était passé un an et demi plus tôt, lors du duel à mort que les inquisiteurs français avaient voulu les voir disputer, Richard et lui.
Au dernier moment, il s’était rebellé en refusant de tuer. Lui, qui s’était toujours comporté en fieffé égoïste, s’était finalement sacrifié. Et il l’avait chèrement payé, ses bourreaux lui ayant fait subir, en guise de représailles, les pires sévices.
Bien sûr, cela en avait valu la peine du point de vue de Richard, qui avait fait la connaissance de Meg et en était tombé fou amoureux. Alexandre était heureux pour eux. Mais en secret, il avait pensé que Richard avait une dette envers lui et que, pour s’en acquitter, il se devait de le tirer des prisons françaises.
« Juste retour des choses », lui avait chuchoté une petite voix pleine de rancœur alors qu’il croupissait encore dans sa cellule.
Ainsi, il avait attendu un dédommagement pour ce qui était apparu comme une bonne action désintéressée.
Il ne fallait pas se leurrer : il n’y avait rien de chevaleresque en lui, à part son habileté à manier l’épée. L’abnégation, le sens du devoir, l’altruisme, tout cela ne signifiait rien pour un homme qui était avant tout mené par un indestructible instinct de survie.
Voilà pourquoi, enfin libre, il avait volé le ciboire et pris la route du nord dans l’intention de disparaître dans les Highlands, d’oublier tout ce qui était susceptible de lui rappeler ses fautes et sa faiblesse morale.
Oui, à moins que la vie d’un proche ne soit en jeu, il n’y avait rien de sacré aux yeux d’Alexandre. Ni l’amitié, ni la loyauté, ni l’amour.
Il le savait pertinemment.
Il espérait juste que le comte d’Exford l’ignorait.
Il n’eut pas le temps de ruminer davantage sur la question. Exford s’approcha de nouveau tandis que Lucas s’éloignait sans un regard en arrière.
Stephen, lui, demeura au garde-à-vous, à quelques pas de là.
— J’ai réfléchi à vos conditions, Ashby, et je les accepte.
Un léger vertige saisit Alexandre. Au prix d’un effort inhumain, il parvint à ne pas trahir son soulagement.
Soit le comte et Lucas étaient d’une naïveté confondante, soit la négociation n’était pas achevée. Vu que les deux hommes paraissaient avoir toute leur tête, et que Lucas était tout sauf un imbécile, il fallait plutôt s’attendre à des suites.
— Eh bien, n’avez-vous rien à dire ? s’enquit le comte d’une voix doucereuse.
— Que penseriez-vous de : « Détachez-moi » ?
Avec un sourire narquois, le comte fit signe à Stephen qui dénoua les liens d’Alexandre sans enthousiasme.
Libéré, celui-ci passa un moment à s’étirer et à masser ses membres engourdis.
Puis, à l’invite du comte, il le suivit jusqu’au campement dressé dans la clairière voisine, où étaient regroupés une quarantaine de soldats.
— Nous allons mettre un certain temps à réunir la somme que vous exigez. Il va aussi falloir faire venir les personnes qui connaissaient le mieux Marston, afin qu’elles vous racontent son histoire et vous indiquent ses habitudes.
Le comte s’était immobilisé près d’un feu de camp. Posées sur la flamme, trois grosses marmites laissaient échapper un fort fumet de viande bouillie.
— Autre détail d’importance, reprit Exford. Vous êtes peut-être chevalier, mais savez-vous lire et écrire ?
Alexandre ne répondit pas. Il avait honte d’avouer publiquement son ignorance dans ce domaine, même si, somme toute, peu de chevaliers issus du peuple maîtrisaient ce savoir.
Le comte d’Exford comprit et enchaîna :
— C’est bien ce que je pensais. Nous devrons donc y remédier dans le temps limité qui nous est imparti. Le comte de Marston était un aristocrate de haut lignage et, en tant que tel, il a bien sûr reçu une excellente éducation.
Alexandre ne dit mot,
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