Le templier déchu
de la même façon que vous la quitterez à votre tour.
Il la regarda sans comprendre. Elle quitta le lit, s’empara d’une chandelle, et lui fit signe de la suivre. Elle s’approcha du mur recouvert d’une épaisse tapisserie et, après en avoir relevé un coin, elle désigna un panneau de bois rectangulaire qui, à y regarder de plus près, différait légèrement de ceux qui le flanquaient.
— Ce panneau cache l’un des nombreux passages secrets qui sillonnent le château, expliqua-t-elle. En l’empruntant, vous déboucherez dans les bois, de l’autre côté du mur d’enceinte. Durant les sièges et les batailles, ces passages servent à sortir de la forteresse pour aller chercher de la nourriture, des munitions ou encore demander des renforts. Ou bien, si la situation devient vraiment désespérée, ils permettent au seigneur et à sa famille de déserter la place.
Elizabeth laissa retomber le coin de tapisserie et ajouta :
— C’est là une des raisons qui ont fait de Dunleavy une forteresse quasi imprenable.
— Pourtant, l’ennemi doit connaître l’existence de ces passages secrets, s’étonna Alexandre. Ce château était anglais à l’origine, non ?
— Oui et non. Il est vrai que c’est sur ordre du roi Henri qu’il a été édifié, et que ce n’est que bien plus tard, il y a environ un demi-siècle, qu’il a été offert au premier comte de Marston, en récompense pour son soutien contre Simon de Montfort, durant la deuxième rébellion des barons. Mais ce sont des Écossais qui l’ont érigé pierre par pierre, sous les yeux du neveu, et héritier, de Marston – le grand-père de feu mon époux. C’est lui qui a décidé d’aménager des passages dérobés. Quand le père de Robert a hérité du château à la mort de son propre père, il est devenu détenteur de ce secret que seuls quelques-uns parmi ses plus loyaux serviteurs connaissaient également, et qu’il a transmis à son tour à son fils.
— Ainsi, les comtes de Marston ont toujours été Écossais dans l’âme ?
— Oui, même si Robert a été le premier à se battre ouvertement du côté de l’Écosse. Depuis, les Anglais se sont évertués à reprendre le contrôle du château pour lancer d’autres incursions en terre écossaise afin d’annexer le royaume tout entier.
Soucieux, Alexandre demanda :
— Et Aubert ? En tant qu’intendant, il connaît certainement l’existence de ces passages secrets. Et il vous accusera de complicité s’il apprend que je me suis échappé par ce moyen.
— Aubert connaît ces passages, en effet. Mais il ignore que je suis ici ce soir, et quand on annoncera votre évasion, je feindrai la surprise, prétendit-elle en se détournant de crainte qu’Alexandre ne devine qu’elle mentait.
En fait, elle avait l’intention de révéler l’entière vérité à Aubert et aux autres dès qu’Alexandre serait suffisamment loin. Et qu’ils aillent au diable, tous autant qu’ils étaient ! Elle était la châtelaine de Dunleavy, il était temps qu’ils l’admettent et qu’ils reconnaissent que ces décisions n’appartenaient qu’à elle. En menaçant d’alerter le roi Robert Bruce, ils l’avaient poussée à retrouver Alexandre en catimini pour l’aider à s’évader. Mais cela fait, elle entendait agir au grand jour et asseoir de nouveau son autorité sans ménager ceux qui se dresseraient éventuellement sur sa route.
Alexandre gardait le silence. Lorsque, enfin, il hocha la tête en signe d’approbation, le cœur d’Elizabeth bondit dans sa poitrine. Elle était soulagée qu’il se soit rangé à son avis, même si quelque chose était en train de se briser en elle.
Il lui restait encore une promesse à lui arracher, du moins espérait-elle y parvenir.
— Alexandre ?
Il s’approcha, s’empara de sa main et la porta à ses lèvres.
— Oui, ma douce ?
— Pour ma tranquillité d’esprit, il reste une chose à laquelle vous devez consentir.
— Votre bonheur passe avant tout, n’en doutez pas. Cependant, je veux savoir ce que vous attendez de moi avant de vous donner ma réponse, objecta-t-il, adoucissant son propos en esquissant l’un de ces sourires dévastateurs dont il avait le secret.
— Vous devez me promettre de ne plus jamais revenir à Dunleavy. Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour moi. Seule la mort vous attend en ces murs, et...
Sa voix se fêla. Elle dut s’interrompre un instant. Elle plongea son regard au
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