Le temps des adieux
disait quelque chose. Je me suis donc présenté et j’ai été magnifiquement reçu.
C’était mon pas si magnifique père qui avait soûlé ce jeune fils de famille.
Helena tenta de faire diversion :
— Tu nous manquais, petit Julius. C’est mon cadeau ?
— Le petit paquet, articula-t-il très distinctement. Une petite merveille. De la part de ton frère dévoué.
— C’est très gentil. Je te remercie beaucoup.
— Le plus gros paquet t’est offert, avec ses compliments, par mon grand ami Didius Geminus.
— Est-ce aussi l’homme qui t’a offert trop de vin ? persifla Ælius.
— Il s’agit de mon père, jugeai-je opportun de préciser à ce stade de la conversation. (Le visage de Julia s’était figé. Je poursuivis néanmoins d’une voix mal assurée :) Didius Geminus sait affaiblir la résistance de ses clients potentiels et troubler leur jugement. Comme tu peux le constater, dis-je en m’adressant à Ælius, ton frère a besoin d’aller se coucher, et seuls les dieux savent ce qu’il a pu dépenser !
— Non, c’était très raisonnable, bredouilla Julius, l’air ravi, en s’étendant de tout son long sur sa couche.
Nous jugeâmes plus aimable de ne pas l’importuner davantage.
Helena s’affaira joyeusement à déballer le présent de son frère. Il s’agissait d’un magnifique et précieux petit miroir de style celtique au décor très recherché. Elle s’y mira le visage, faisant tout pour détourner l’attention du triste état dans lequel se trouvait son frère.
— Et ton père a également envoyé un cadeau à Helena, Marcus !
Julia Justa paraissait apprécier que la famille Didius fût prête à payer le prix pour s’assurer de hautes relations. Helena ouvrit alors le deuxième cadeau.
— Mon père tient Helena en haute estime, dis-je d’une voix faible.
Ce fut tout de suite évident. Geminus lui avait choisi quelque chose de spécial. Très coûteux mais pas tape-à-l’œil. Un coffret à bijoux en bois de cèdre aux coins garnis d’un décor de bronze ouvragé. Il avait quatre pattes miniatures et une magnifique serrure ornée d’un écusson. Le vieux bâtard n’avait rien envoyé de ma part !
Le moment semblait venu de porter un toast à l’héroïne du jour. Les esclaves se hâtèrent de remplir les coupes et en profitèrent pour examiner discrètement les cadeaux de la jeune maîtresse. Certains d’entre eux, qui l’avaient bercée toute petite, lui offrirent eux-mêmes des babioles.
Le sénateur, qui malgré son air absent savait percevoir un changement d’ambiance, se hâta de s’écrier :
— Bon anniversaire !
Helena avait trouvé la clef du coffret attachée à un brin de laine épaisse – et cette clef était elle-même un véritable petit bijou. Après avoir soulevé le couvercle, elle s’exclama :
— Il y a un billet qui t’est adressé à l’intérieur !
Elle me tendit le parchemin, mais comme je n’avais aucune intention de communiquer avec mon père, je feignis seulement d’y jeter un coup d’œil avant de le brûler.
Helena plongea alors la main dans le superbe intérieur du coffret. J’étais partagé entre l’envie de me cacher sous la table et celle de partir discrètement à la recherche des latrines. Mes bonnes manières l’emportèrent. Je portai délicatement un gâteau à ma bouche, et du miel me dégoulina sur le menton.
Je vis le visage d’Helena changer. Il devait y avoir autre chose à l’intérieur du coffret. La colère accélérait les battements de mon cœur. Je devinai de quoi il s’agissait dès qu’elle commença à le soulever.
— Oh ! fut tout ce que trouva à dire Helena Justina, que l’étonnement rendait muette.
Et elle souleva un objet d’une beauté à couper le souffle. Le silence s’installa tout autour de la table.
Lentement, comme si elle avait peur d’y causer quelque dommage, elle posa son cadeau devant elle. Les flammes des lampes faisaient étinceler une centaine de feuilles d’or minutieusement ouvragées. Helena se tourna vers moi. Tous les autres avaient leur regard rivé sur l’objet.
Il s’agissait d’une couronne. Très ancienne. D’origine grecque. Sans doute représentait-elle un prix remis au vainqueur lors de jeux organisés à une lointaine époque où les athlètes étaient parfaits de corps et d’esprit. Elle était principalement composée de feuilles et de glands fixés à des attaches si délicates que le moindre souffle
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