Le temps des adieux
un foyer pour cet enfant. (Pas convaincue, elle garda le silence.) Ne t’inquiète pas pour le moment. Ce bébé est en sécurité avec nous. Mieux vaut penser à Tertulla. Comment s’est passée ta journée avec Gaius Bæbius ? À combien de parents as-tu réussi à parler ? Tu as appris quelque chose d’intéressant ?
— Non, pas vraiment. (Elle me relata ses aventures à voix basse :) Petronius m’a remis une liste qui comporte quatre noms. J’ai réussi à rencontrer quelqu’un dans trois des maisons. Dans la dernière, on m’a refusé l’entrée. Des gens qui se croient très supérieurs.
— Je me demande alors pourquoi ils habitent sur l’Aventin.
— La famille doit être installée ici depuis Romulus.
— Et les autres ?
— J’ai rencontré une des mères. Elles m’a reçue dans sa chambre comme si elle avait peur que quelqu’un d’autre soit au courant de ma visite. Mais elle ne s’en est pas moins adressée à moi sur un ton coléreux, en insistant sur le fait que tout était réglé en ce qui la concernait. Elle a ajouté qu’elle avait beau être désolée pour nous, elle ne pouvait absolument pas nous aider.
— Avait-elle peur ?
— Elle m’a paru terrorisée.
— C’est normal. Les kidnappeurs menacent toujours les gens de revenir s’ils mettent les autorités au courant. Elle t’a laissée voir l’enfant ?
— Non, elle s’y refusée catégoriquement. Dans deux autres maisons, j’ai eu droit à un comité d’accueil composé d’esclaves, polis mais distants, qui ne m’ont été d’aucune aide. Arrivée à la quatrième maison, la mère a refusé de me recevoir, mais j’ai eu la chance de rencontrer la nourrice. Au moment où l’intendant m’éconduisait poliment, elle sortait promener l’enfant.
— Un enfant de quel âge ?
— Trois ans. J’ai suivi la nourrice dans la rue et j’ai entamé la conversation avec elle. Elle a été horrifiée quand je lui ai parlé d’un autre kidnapping et a manifesté beaucoup de sympathie. Elle a admis que le petit garçon avait été enlevé au cours d’une promenade. Et depuis, elle ne sort qu’escortée par des esclaves. Je les sentais presque me souffler dans le cou et je n’ai pas pu lui parler longtemps. Mais le peu qu’elle m’a raconté confirme la théorie de Petro. On a kidnappé le petit Tiberius pendant que la nourrice était occupée à un achat. Toute la maisonnée a été immédiatement sens dessus dessous. Les vigiles ont été prévenus. Sans les attendre, le père a envoyé ses esclaves passer les rues au peigne fin. Puis, dès le lendemain, tout s’est calmé. La nourrice n’a jamais pu savoir pourquoi. Les parents de l’enfant sont devenus très renfermés. Mais il continuait de régner une grande tension dans la maison. Elle croit savoir que le banquier de la famille est venu leur rendre visite.
— C’est assez clair.
C’était aussi un heureux hasard. Le père aurait pu rencontrer son banquier au Forum pour obtenir l’argent réclamé par les ravisseurs, et ce détail important nous aurait échappé.
— As-tu pu apprendre de quelle façon le petit Tiberius leur avait été rendu ?
— Le père est parti avec le banquier et est revenu avec l’enfant. On a dit aux domestiques que quelqu’un l’avait trouvé par hasard et qu’il fallait oublier cet incident malheureux. Ne plus en parler. Voilà tout ce que je sais.
— C’est déjà pas mal. Est-ce que l’enfant est assez âgé pour pouvoir parler de ce qui lui est arrivé ?
— C’est un petit bonhomme trop bien nourri. Je suppose qu’il parle, mais on ne nous laissera jamais l’interroger. Les hommes de son escorte m’ont rapidement signifié que je devais laisser la nourrice tranquille. J’ai même eu de la chance d’avoir pu lui parler si longtemps. Et heureusement, Gaius Bæbius a eu le bon sens de rester éloigné de moi.
— Ce bon à rien…
— Il est plein de bonnes intentions, Marcus. Et il ne décolère pas à la pensée que le père de Tertulla n’a pas encore daigné se montrer.
— D’accord, d’accord. Est-ce qu’il compte aussi t’accompagner demain ? As-tu l’intention de t’attaquer encore une fois à la quatrième maison ?
— Demain, Gaius est de service à Ostie. Et la réponse est oui. Je compte bien m’attaquer à la dernière maison.
— Pas toute seule !
— Mais non. Pour retourner voir ces prétentieux, je vais emprunter la litière de ma mère
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