Le temps des adieux
main. Ils n’étaient donc pas venus en touristes. Ils étaient peut-être perdus sur l’Aventin, mais ils étaient connus à l’Académie de Platon.
J’hésitai un moment, me demandant si je devais les suivre. À la vérité, je me sentais incapable d’affronter de nouvelles aventures. J’étais fatigué. La semaine passée avait été trop riche en sensations diverses et en incidents désagréables. Et le lupanar était un véritable labyrinthe. Personne ne sachant que je me trouvais là, je risquais d’y être confronté seul à une situation beaucoup trop dangereuse.
Pour une fois, le bon sens l’emporta. Je renonçai à entrer.
56
J’avais vraiment besoin de l’aide d’un assistant rompu au combat et capable d’assurer une surveillance efficace. Si mon intuition ne me trompait pas, j’étais tombé par hasard sur une très grosse affaire. J’avais besoin des vigiles. C’est Petronius Longus, bien sûr, que j’aurais dû alerter ; mais c’était impossible.
J’aurais évidemment pu contacter Marcus Rubella, sauf que l’orgueil m’en empêchait. L’orgueil, et la possibilité de m’être trompé. Tout ce que j’avais vu, c’était peut-être tout simplement deux escrocs venant dilapider le produit de leurs larcins dans un lupanar.
Il me fallait cependant un assistant. Je voulais que quelqu’un garde un œil toute la journée sur la porte d’entrée de l’Académie de Platon. L’idée me vint d’utiliser un de mes neveux. Je ne m’y arrêtai pas, car depuis la disparition de Tertulla, tous les jeunes Didii étaient escortés jusqu’à l’école en convoi. Jamais leurs mères anxieuses ne me laisseraient en utiliser un. Et avec raison, j’étais bien obligé de l’admettre. La tâche était bien trop dangereuse.
Après avoir longuement réfléchi, je conclus que si Petronius refusait de m’assister, un de ses hommes m’aiderait. Et j’espérais ne pas choisir par un malencontreux hasard celui qui avait trahi Linus.
Étrange coïncidence, je croisai Fusculus en chemin. Il possédait une longue expérience, et j’étais certain qu’il saurait me suggérer les raisons qui pouvaient pousser Gaius et Phlosis à visiter l’Académie de Platon. Quand j’avais failli devenir leur victime à Ostie, c’est lui qui m’avait dit que Balbinus Pius était à la tête de toute une bande de voleurs de leur espèce qui sévissait sur les quais de Rome. Peut-être ces deux oiseaux en faisaient-ils partie ? Ce qui pourrait signifier que Balbinus leur avait demandé de venir et qu’il continuait de tirer les ficelles, bien caché dans un des nombreux recoins du bordel.
Quand Fusculus me vit près de lui, il grommela :
— Va te faire pendre ailleurs, Falco !
J’étais à peu près certain que Petronius s’était bien gardé de parler du traître. Il avait compris qu’il devait l’identifier d’abord. Mais je ne pouvais le mentionner non plus pour justifier ma relation directe avec leur tribun Rubella.
— Calme-toi, Fusculus. Si je comprends bien, Petronius t’a mis en garde contre moi ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Que j’avais trahi son amitié et que je vous espionnais ?
— J’ai aucune envie de discuter de ça avec toi, Falco.
— Ce que j’aimerais comprendre, Fusculus, c’est pourquoi, si vous n’avez rien à vous reprocher, vous vous liguez tous contre quelqu’un qui est simplement chargé de dénoncer la corruption.
— Tu es venimeux.
— Faux. Ce que tu veux dire, c’est que Petronius est ton chef et que même s’il se conduit comme le dernier des imbéciles, tu le soutiendras pour préserver tes chances d’avancement. Tu ferais mieux de te mettre en quête d’un nouveau cerveau pour lui.
Fusculus me répéta de lui ficher la paix, et je jugeai inutile d’insister.
J’étais tout de même amer. Personne n’aime se sentir détesté.
Heureusement pour moi, il restait une personne sur laquelle je pouvais compter. Quelqu’un qui possédait suffisamment d’expérience pour me seconder efficacement. Et qu’on détestait autant que moi sinon davantage.
Je savais où il habitait et, luttant contre ma fatigue, je pris le chemin de son logis. J’eus enfin de la chance, il n’était pas parti en patrouille de nuit. L’emploi du temps était resté le même : Petro se joignait à la première patrouille, qui avait fort à faire, et laissait son adjoint, Martinus, diriger la seconde, beaucoup plus calme.
Il était déjà tard
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