Le temps des adieux
grande tension pour interroger sa plus récente recrue.
Petronius avait fini par se rappeler l’époque récente où Balbinus Pius attendait de connaître sa sentence, dans sa propre maison, sous la surveillance de la sixième cohorte. En réalité, sous celle de Tibullinus et Arica, qu’il avait à sa botte. On leur avait néanmoins adjoint un officier de la Quatrième, en tant qu’observateur. Et c’est également lui qui accompagnait le groupe conduit par Tibullinus et Arica quand ils avaient escorté Balbinus Pius à Ostie. Or, il savait très probablement que Linus était caché à bord de l’ Aphrodite.
Cet observateur était Porcius.
Sans doute Petronius éprouvait-il des soupçons à son égard depuis un certain temps. Je comprenais maintenant pourquoi je l’avais vu le traiter si durement. Et aussi pourquoi il avait envoyé Fusculus chercher le petit esclave de Nonnius dont il souhaitait obtenir le témoignage – pour éviter tout « accident ».
Petro paraissait furieux. Et j’aperçus Martinus et Fusculus, qui ne le quittaient pas des yeux, parler entre eux d’un air soucieux. Ils avaient eux aussi deviné le fin mot de l’histoire. Le visage impénétrable, les bras croisés, Marcus Rubella les regardait également sans trahir le moindre sentiment. Quand Martinus et Fusculus prirent l’initiative d’avancer vers Porcius, d’un commun accord, le tribun et moi fîmes demi-tour pour nous éloigner.
64
Au cours des jours suivants, c’était l’unique sujet de conversation à Rome : une violente bagarre avait éclaté entre les vigiles dans la onzième région, causant plusieurs morts et de nombreux blessés. Il avait fallu qu’un Très Important Patricien, horrifié par ce défi à l’ordre public, envoie un de ses licteurs au camp prétorien pour faire appel aux cohortes urbaines. Elles avaient l’avantage d’être armées jusqu’aux dents et purent rapidement mettre fin à l’émeute. On disait aussi que ce Très Important Patricien avait transmis un parchemin à l’empereur pour dénoncer le manque de discipline des patrouilles à pied et le surprenant laisser-aller de leurs officiers, ainsi que la possibilité que tout cela ait été orchestré par des éléments républicains indésirables infiltrés dans les vigiles. De façon à détourner l’attention d’un complot.
On m’a signalé plus tard que Vespasien avait remercié le grand homme de l’avoir informé de ses vues, mais qu’il avait pris ses décisions sur la foi d’un autre rapport : celui du tribun Marcus Rubella et de certain enquêteur privé chargé d’éradiquer la corruption parmi les vigiles.
Vexé par cette rebuffade, le Très Important Patricien s’était découvert une nouvelle mission : il avait résolu de s’opposer à l’obscénité et de réhabiliter les prostituées. Et naturellement, il serait obligé d’inspecter les bordels lui-même. Nous étions quelques-uns à pouvoir goûter tout le sel de cette nouvelle foucade de sa part.
La sixième cohorte allait être entièrement dissoute avant d’être reconstituée sous le commandement de nouveaux officiers. Leur tribun et plusieurs centurions avaient présenté leur démission. Petronius Longus suivait les développements de l’affaire avec d’autant plus d’intérêt que Martinus avait posé sa candidature à l’un des postes devenus vacants. Il espérait donc en être prochainement débarrassé et faisait tout pour promouvoir les talents de son adjoint.
La Quatrième avait été officiellement réprimandée par Rubella pour ses débordements. Il avait consigné tous les membres dans leur poste de garde. Il put ensuite les visiter afin de s’assurer que la version officielle de l’histoire avait bien été comprise par tout le monde.
Parmi les morts se trouvait un des plus jeunes officiers de la Quatrième : Porcius. Sa cohorte allait se charger de lui organiser des funérailles décentes, mais malheureusement, en raison de son engagement trop récent, sa famille ne pourrait prétendre à aucune indemnité.
Le scandale officiel était compensé par l’arrestation d’un nombre impressionnant de criminels dans l’établissement officiellement appelé Berceau de Vénus. On estimait que les vigiles auraient besoin d’au moins trois mois pour découvrir l’origine des marchandises volées saisies sur place afin de les rendre à leurs propriétaires respectifs. Par ailleurs, tellement d’esclaves en fuite avaient été
Weitere Kostenlose Bücher