Le temps des adieux
matérialisée ! Chaque fois qu’il y a eu des problèmes, mon personnel a dû se débrouiller avec les moyens du bord. Exactement comme quand le Lycien a passé l’arme à gauche. Moi je me tapais tout le travail, et Balbinus se contentait de passer à la caisse. Ça c’est fini et bien fini, tu peux me croire !
— Je crois que tu te berces d’illusions, assura Petronius. Quelqu’un va essayer de le remplacer.
— Eh bien, qu’il vienne donc s’y frotter !
— Si jamais ça arrive, je veux que tu me préviennes immédiatement.
— Désolée, dit-elle d’une voix acide, mais tu es embarqué dans le même bateau que tous mes autres clients. Rien n’est gratuit, ici.
— Je veux bien passer un marché avec toi. Déniche-moi des tuyaux intéressants et je te les achèterai.
Un soupir gonfla la poitrine de Lalage, ce qui agita son collier dont les pierres renvoyèrent des éclats de lumière. Une vraie professionnelle.
— Combien ?
— Le juste prix. Mais ne t’avise pas de vouloir me refiler des tuyaux crevés. Parce que c’est à toi que ça coûterait cher.
Ce marchandage allait sans doute clore l’entretien. Les termes de l’accord étaient clairs et acceptés par les deux parties. Quant à savoir si Lalage fournirait jamais des renseignements à Petronius, c’était une autre affaire. Seul l’avenir le dirait.
— Donne-moi le nom que je cherche, insista-t-il, et tu n’auras pas à le regretter. Tu sais où me trouver dans le treizième.
— Bon, maintenant, si tu allais voir ailleurs, conclut-elle en me regardant, comme si elle était à bout de patience avec Petro. Et n’oublie pas d’emmener ce grand escogriffe avec toi !
Nous obtempérâmes d’assez bonne grâce. Au moment de sortir, je me retournai vers elle pour lui dire une chose gentille à ma façon :
— Ça m’a fait plaisir de constater que ton oreille avait bien cicatrisé !
Pendant que Petronius et Lalage tentaient de percer l’énigme qui se dissimulait derrière mes paroles, je saisis mon ami par le bras afin de vider les lieux au plus vite.
21
Nous refîmes le chemin en sens inverse et atteignîmes l’entrée sans la moindre anicroche. En ce qui me concernait, mon désir le plus brûlant était de me réfugier dans les premiers thermes venus.
— Tu voulais dire quoi, pour son oreille ? demanda Petronius.
Je lui répondis par un sourire plein de mystère.
L’établissement paraissait beaucoup moins bien achalandé que lors de notre arrivée. La nouvelle que des représentants de la loi mal intentionnés étaient sur place avait fait fuir les clients qui n’avaient pas la conscience tranquille. C’est-à-dire la grande majorité.
La fille qui répondait au nom de Macra se tenait de nouveau près de la porte principale. Elle paraissait très nerveuse. Mais quand elle comprit que nous avions l’intention de partir sans histoires, son attitude devint moins tendue. Avant de nous retrouver dans la rue, nous entendîmes un bébé pleurer. Voyant ma surprise, Macra s’exclama :
— Eh oui ! Ce sont des choses qui arrivent, Falco !
— Je vous croyais plus expertes !
Leur expertise était même poussée à un tel point qu’elles servaient d’avorteuses aux femmes du voisinage.
— Se débarrasser d’un bébé est illégal, n’est-ce pas, officier ? demanda Macra en s’adressant moqueusement à Petronius.
Il paraissait tendu. Le tour que prenait la conversation ne lui plaisait visiblement pas. C’est qu’il savait que beaucoup d’eau coulerait sous les ponts avant qu’une prostituée soit traînée devant un tribunal parce qu’elle avait avorté.
Dans la triste réalité, les fœtus étaient uniquement protégés quand un héritage était en jeu. Sinon… Et à plus forte raison dans le cas de mères à la réputation plus que douteuse.
— Vous voulez visiter la nursery ? ironisa-t-elle.
De toute évidence, ses paroles étaient à double sens.
En nous voyant hocher la tête en signe de refus, elle ajouta en ricanant :
— Vous êtes vraiment difficiles à tenter !
— Méfie-toi que je te fasse pas visiter une de mes cellules ! aboya Petro, vraiment furieux.
— Oh, oui ! je t’en prie ! s’écria Macra. On a un client parmi les vigiles qui nous raconte des trucs étonnants qu’il arrive à faire avec des chaînes pendant les interrogatoires.
Petronius en avait par-dessus la tête. Il sortit sa tablette et exigea d’une voix
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