Le temps des adieux
n’était pas à une mauvaise idée près.
Alors que je ne m’y attendais pas, Maia me serra contre elle. Dans notre nombreuse famille, elle était la seule à être plus jeune que moi. Nous avions toujours été assez proches.
— Tu seras un père formidable !
Je lui fis remarquer qu’avant d’en arriver là, il faudrait affronter pas mal d’inconnues.
Après son départ, je me mis en devoir de vider les gravats entassés au premier étage. Le fabricant de paniers, qui s’était présenté sous le nom d’Ennianus, me dit qu’il aurait bien aimé m’aider mais qu’il souffrait beaucoup trop du dos. Je compatis : il avait de la chance de vendre des paniers, ce qui n’obligeait pas à se baisser beaucoup. Sur ces paroles, il disparut, m’abandonnant à mon triste sort.
En réalité, je n’avais pas besoin de lui. Je remontai les manches de ma tunique jusqu’aux épaules et m’attelai à la tâche avec l’énergie d’un homme qui souhaite changer le cours de ses pensées. Nous avions beau être déjà en automne, il faisait encore suffisamment jour pour que je puisse travailler une heure ou deux.
Smaractus avait dû mettre un jour ce local à la disposition de ses ouvriers. Il y avait des pots de clous en très bon état, une herminette tout à fait décente qui allait vite rejoindre ma collection d’outils, des sacs de substances difficiles à identifier et qui s’étaient solidifiées – sans aucune étiquette, bien sûr. Smaractus n’achetait jamais rien chez les commerçants ayant pignon sur rue. Il préférait s’approvisionner auprès d’entrepreneurs malhonnêtes qui revendaient une partie des matériaux déjà payés par un de leurs clients. Heureusement, je ne découvris aucun cadavre.
Je déblayai entièrement une pièce afin d’y rassembler ce que je comptais garder. À la fin de la soirée, j’étais assez content du résultat. Encore une séance comme celle-ci et on y verrait plus clair. L’appartement deviendrait une coquille vide. Helena pourrait alors décider de la suite. La bonne surprise était que je n’avais repéré aucune grosse réparation nécessaire. Décorer les lieux serait certainement un plaisir, dont j’avais été privé dans les trous à rats que j’avais occupés jusqu’à ce jour. Des taudis où le problème le plus urgent n’avait jamais été de réaliser une fresque. Ici, il faudrait d’abord se livrer à un sacré lessivage et il me vint à l’esprit que pendant que j’étais attaché à la quatrième cohorte, je pourrais peut-être obtenir l’aide de ceux qui luttaient contre les incendies pour m’apporter l’eau nécessaire…
Lors de mon dernier voyage jusqu’à la charrette, je découvris qu’on avait ajouté à mes propres rebuts un vieux banc et un couvre-lit tout trempé. J’allai les balancer près du lit cassé et installai une bâche que j’attachai soigneusement. Je me rendis ensuite dans les thermes les plus proches pour me débarrasser de la poussière collée par la sueur. Je pris mentalement note d’apporter avec moi de l’huile parfumée et un strigile la prochaine fois que j’irais travailler dans cet appartement. Après m’être lavé les cheveux, j’ajoutai un peigne à ma liste.
La nuit était tombée quand je retournai Cour de la Fontaine. J’étais fourbu mais satisfait. Mes muscles étaient douloureux, mais j’envisageais soudain l’avenir avec optimisme. Avant de regagner mon logis sous les toits, je décidai d’aller vérifier la charrette par acquit de conscience.
Dans l’obscurité, je faillis ne pas voir ce qu’on y avait laissé. Et si j’y avais déversé des gravats, je n’aurais rien découvert. C’est d’ailleurs ce qui était escompté. Le bébé était charmant et gazouillait sans crainte. Mais un bambin abandonné ne trouve pas facilement preneur. À ma connaissance, Cour de la Fontaine, personne n’était désespéré au point d’accomplir un tel acte. Ceux qui avaient déposé ce bébé ici souhaitaient sa mort. Ni plus ni moins. Ils ne pensaient pas que quelqu’un allait repasser par-là et l’emmènerait à la maison.
Mais comme moi j’étais repassé par-là, c’est ce que je fis.
25
— Vraiment, ça ne pouvait arriver qu’à toi ! grogna Helena.
— C’est ton jour de chance ! dis-je au bébé ! Voici une charmante dame qui meurt d’envie de te câliner. Elle craque à chaque fois qu’elle voit de grands yeux marron et un beau sourire.
— Ça ne
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