Le temps des adieux
mère.
— Peut-être, mais pas ce soir, assurai-je.
Et nous, les hommes, nous entreprîmes de mettre de l’ordre, tandis que les femmes brodaient sur l’incident. Je ne manquai pas de remercier la nouvelle recrue de Petro pour son aide efficace.
— Tu es un garçon brillant, Porcius ! Où est-ce que Petro t’a déniché ?
— Mon père vend des abattis et ça m’intéresse pas.
— Tu as préféré te mettre au service de la société.
— Je préfère tout ce qui me permet de fuir les cervelles en saumure !
Helena était allée récupérer le bébé sur le balcon. Elle me le mit tout de suite dans mes bras. Après lui avoir vainement grattouillé le menton pour essayer de le calmer, je le confiai à mon tour à ma mère. Ses pleurs diminuèrent rapidement. Je dirigeai alors mon regard vers Helena. Elle était très pâle mais paraissait avoir recouvré son calme. Elle était tranquillement en train de remettre de l’ordre dans sa coiffure. Nous aurions tout loisir de parler de choses sérieuses tous les deux après le départ des autres. Tout en me palpant pour m’assurer que je n’avais aucune contusion sérieuse, je lui adressai un clin d’œil.
Je surpris ma mère qui l’observait avec un air bien particulier. Sans oser rien dire. Je me gardai bien de tout commentaire. M’man ne savait pas que nous savions qu’elle savait.
Helena fit le tour de la pièce des yeux. Croisant son regard, la chienne sauta presque dans ses bras et se mit à la lécher frénétiquement.
— Il est hors de question que j’adopte cette chienne, déclarai-je d’un ton sérieux.
— C’est elle qui t’a adopté, remarqua ma mère en se laissant tomber sur un tabouret pour se remettre de ses émotions.
Helena continuait de la câliner. Cette chienne débordait d’énergie.
— Tu pourrais peut-être la dresser à garder tes vêtements quant tu vas aux thermes, suggéra Porcius à qui je ne demandais rien. C’est assez gênant de sortir de là tout nu quand ta tunique s’est envolée.
— Personne n’a jamais eu envie de voler mes vieilles hardes.
Maia tenait Marius serré contre elle.
— Tu t’es débrouillé comme un chef, le complimenta Porcius en lui posant la main sur la tête. Si ton oncle exerce toujours ce métier quant tu seras plus grand tu pourrais devenir son assistant.
— Moi, je veux enseigner la rhétorique, déclara Marius qui avait de la suite dans les idées. C’est mon petit frère qui sera l’assistant d’oncle Marcus. Je vais commencer à lui apprendre le métier.
— Ancus ? pouffai-je. Il est doué ?
— Pour le moment, il est nul. Mais je vais arranger ça.
La vie pour moi, c’est comme un panier d’œufs : je choisis inévitablement celui qui est fêlé.
Ma mère et Maia étaient arrivées au bon moment, mais elles étaient forcément venues pour un autre motif. Un motif que je n’allais pas aimer, j’en étais persuadé par avance. Je décidai d’en avoir le cœur net.
— Merci d’avoir interrompu notre petite bacchanale, mais quelle est la vraie raison de votre visite ? Ne me dites pas que Tertulla n’est pas encore rentrée ?
Elles se contentèrent d’incliner la tête. Puis ma mère me rappela que j’avais promis d’organiser des recherches. Elle ajouta que tous mes beaux-frères – tous plus idiots les uns que les autres – allaient arriver pour nous prêter main-forte.
— Mais cette gamine n’arrête pas de fuguer et de revenir, protestai-je. Vous croyez que ça vaut la peine d’ameuter tout le monde ? J’ai déjà tellement de problèmes importants à régler, comme vous avez pu le constater !
— Marcus, elle a sept ans, insista ma sœur.
Et en silence, nous imaginâmes ce qui pouvait arriver à une fillette de sept ans.
— Je suis certaine qu’il lui est arrivé quelque chose, assura sèchement ma mère en pinçant les lèvres. Si tu n’as pas le temps de nous aider, nous demanderons à quelqu’un d’autre.
— Oh ! mais je vais vous aider, évidemment !
Porcius paraissait intrigué.
— Est-ce qu’il ne faudrait pas mettre les vigiles dans le coup ?
— Ma nièce a fait une fugue.
— Elle n’est pas la seule. Dernièrement, on a eu des tas de parents qui sont venus nous dire que leurs enfants avaient disparu.
— Et vous les avez retrouvés ?
— En général, les enfants reviennent seuls. Et après leur première visite, où ils sont en pleine crise d’hystérie et nous demandent de
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