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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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doigts. L'odeur d'huile avait tout envahi.
    —
    Elle a dû en être couverte, murmura Kathryn. Tuée, sans doute poignardée ou garrottée. Puis son assassin a arrosé le corps d'huile...
    —
    À qui parlez-vous, Kathryn ? cria Colum.
    —
    A moi-même, répondit-elle.
    Elle déplaça les os et, avec autant de délicatesse que possible, les rassembla. Elle se remémora la description que donnait saint Augustin de la personne humaine : une âme vivante pleine de pensées et de désirs, de souvenirs et d'expériences. Et tout cela avait disparu en un instant, comme on soufflerait une chandelle. Kathryn avait apprécié cette vieille femme à l'œil vif et à l'esprit alerte.
    Habituée à présent aux étincelles, aux cendres et à l'odeur âcre, elle embrassa la scène du regard. Des curieux s'étaient rassemblés autour de la chaumière et bavardaient entre eux : un paysan et sa femme chargés d'un sac de grain qu'ils emportaient au moulin, une petite gardienne d'oies qui suçait son pouce. Un garde forestier sortit des bois, une rangée de lapins suspendus à la perche qu'il portait.
    Elle regarda à sa gauche où d'autres personnes étaient arrivées : le père Clement, Amabilia, Benedict, Ursula, Walter le sergent et Simon le bedeau qui buvait avec tant de hâte à son pichet de bière qu'il éclaboussait son gros visage larmoyant. Sans qu'on l'en priât, le prêtre se couvrit la bouche et le nez et s'avança en titubant pour réciter les prières. Il adressa un signe de tête à Kathryn et s'agenouilla, pourtant il dut se relever tant la chaleur était intense.

    Kathryn demanda à Colum d'apporter une planche de bois. L'Irlandais s'exécuta et la déposa avec soin à côté du cadavre de grand-mère Croul. Le père Clement s'agenouilla derechef, se signa et entonna l'oraison souvent récitée quand on emportait le corps de l'église pour l'ensevelir: «Envole-toi, âme chrétienne, et puisse la compagnie des anges... »
    Kathryn en avait assez vu, elle retourna vers le portillon. Simon et le sergent apportèrent un coffre à flèches et, quand le prêtre en eut terminé, ils se mirent à remplir le cercueil improvisé des pitoyables restes. Le père Clement s'écarta et, à ce moment, le sergent fit une plaisanterie et le bedeau, sans cesser de boire goulûment, partit d'un rire rauque. Lord Henry leur cria de se montrer plus respectueux, ordre que le prêtre renforça par son retour et des réprimandes proférées d'une voix basse et gutturale. Kathryn secoua les débris et les cendres de sa robe et Lord Henry lui offrit un gobelet d'eau.
    —
    Puis-je vous aider en quelque manière, Maîtresse Swinbrooke ?
    demanda-t-il.
    Elle fit un geste de dénégation et but.
    —
    Alors que Dieu l'accueille en Son Paradis. Un accident ?
    —
    Non, soupira la jeune femme.
    Le châtelain ferma les yeux.
    —
    Que Dieu nous vienne en aide, murmura-t-il. Un autre meurtre !
    En êtes-vous sûre ?
    —
    Grand-mère Croul était intelligente, répondit Kathryn. Il serait facile de croire que l'incendie a pris naissance dans l'âtre, mais ce n'est pas le cas, il a débuté au centre de la pièce. Sans aucun doute, un assassin l'a tuée puis a versé de l'huile sur le corps. Les restes font pitié à voir.
    —
    Et le meurtrier ?
    Kathryn désigna la croix d'argent pendue à une chaîne d'or au cou de Lord Henry.
    — Dieu seul le sait.
    —
    Quand moi je le saurai, répliqua-t-il, je m'assurerai que ce bâtard de coquin sera pendu au plus haut gibet.
    Il tourna les talons et s'éloigna.

CHAPITRE VII
    « Nulle part n'était homme aussi affairé que lui, Et pourtant le paraissait plus que ne l'était. »
    Chaucer, Prologue général, Les Contes de Cantorbéry Colum enlaça les épaules de Kathryn. L'horreur de la jeune femme était atténuée par sa ferme détermination à traîner le criminel devant la justice. Les actes des puissants - la charge au Sceau secret de Lord Henry, les machinations de Sanglier - faisaient partie intégrante de la vie, tout comme ceux des pauvres. Elle n'avait connu ni Elias, ni Isabella, ni Adam l'apothicaire. Ils semblaient gens désagréables, habitués à la violence qui s'était retournée contre eux, mais cette vieille femme avait péri, non à cause de ce qu'elle avait fait ou dit, mais simplement parce qu'elle était ce qu'elle était, mémoire vive et œil perçant. Kathryn était persuadée qu'on l'avait tuée pour la réduire au silence, au cas où elle se serait souvenue de quelque chose.

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