Le Testament Des Templiers
En tout cas, quand il eut terminé, et qu’ils se furent enthousiasmés sur le travail qui les attendait, il lui suggéra de se détendre et de passer une bonne nuit.
Devant son air interloqué, il eut plutôt l’impression de l’avoir tancée que de lui avoir donné un conseil.
La deuxième journée de fouilles se déroula d’abord normalement, puis tout se noua, comme une ligne de pêche qui s’emmêle.
Zvi Alon était absent au petit déjeuner. Sa voiture fut retrouvée garée sur les hauteurs des falaises. La grille de la cave était fermée et intacte. Jeremy, au comble de l’anxiété, vint trouver Luc pour lui faire part de la requête d’Alon concernant la clé, la veille au soir. Luc, furieux, démentit formellement avoir accordé la permission à l’homme.
Prise de panique, l’équipe se mit à fouiller en contrebas des falaises, mais elle ne fit aucune découverte particulière. Puis Luc donna l’ordre à l’équipe du matin de commencer le travail à l’intérieur de la grotte pendant qu’il prenait contact avec les autorités.
En raison de l’importance des fouilles de Ruac, un lieutenant de la gendarmerie locale, un dénommé Boyer, répondit personnellement à l’appel. Conscient de la complexité de l’affaire, il prit contact avec son supérieur du Groupement de gendarmerie de la Dordogne, à Périgueux, le colonel Toucas, et mobilisa un bateau de police des Eyzies pour qu’il remonte la Vézère.
En milieu de matinée, Luc était informé par radio dans la grotte que Toucas était arrivé. Le colonel, l’air mal embouché, avait quelques kilos de trop, des traits grossiers et des lobes d’oreille pendants et froissés. Sa moustache, taillée trop court par rapport à la surface entre son nez et sa lèvre supérieure, laissait apparaître un espace de peau nue. Comme beaucoup d’hommes chauves, il compensait sa calvitie par le port d’une barbiche. En revanche, il avait une voix curieusement suave et élégante, et l’accent cultivé d’un Parisien. Luc lui aurait fait davantage confiance s’ils s’étaient parlé au téléphone.
Ils s’étaient retrouvés devant la voiture de location d’Alon et venaient juste de commencer à discuter, quand le jeune lieutenant arriva tout excité pour leur annoncer qu’un corps avait été trouvé près de la rivière.
Luc ne pourrait pas revenir à la grotte ce jour-là.
Son premier devoir fut de prendre un bateau pour aller identifier le cadavre. Bouleversé par ce qu’il vit, il faillit vomir. Le corps d’Alon était couvert de sang et disloqué, le bas-ventre perforé par une branche cassée, le visage lacéré, bras et jambes formant des angles bizarres, comme les branches du vieux genévrier en haut sur la corniche. Malgré le temps frais et sec, des insectes avaient déjà envahi leur proie.
Il fallait enregistrer les témoignages. Luc dut laisser son bureau à Toucas et à ses hommes pour conduire leurs interrogatoires. Tard dans l’après-midi, Jeremy fut le dernier à être questionné, et il sortit du préfabriqué aussi blême que le cadavre d’Alon. Pierre l’attendait. Il passa ses grands bras autour des épaules de Jeremy et l’emmena prendre un verre.
L’humeur était sombre dans le camp. Après le dîner, Luc éprouva le besoin de s’adresser au groupe. Toucas l’avait informé que, à moins d’être contredit par l’autopsie, il lui paraissait probable qu’Alon ait glissé en descendant dans le noir ; il n’y avait aucune raison pour soupçonner autre chose. Le corps était tombé juste sous l’échelle. Les traumatismes qu’il présentait correspondaient à une chute importante. Luc en fit part au groupe attristé.
Après avoir évoqué les différentes contributions du professeur Alon dans leur domaine, il demanda une minute de silence et termina en suppliant tout le monde de respecter les horaires définis par le protocole pour l’accès à la grotte, précisant qu’il serait seul à avoir les clés. L’une resterait fixée à son porte-clés, et le double serait enfermé dans son bureau.
Luc mangea à peine. Hugo le ramena à sa caravane, le mit au régime bourbon et joua du jazz Nouvelle-Orléans sur son MP3. Luc finit par s’endormir tout habillé. Après quoi, Hugo éteignit la musique et écouta le hululement d’un hibou jusqu’à ce que lui aussi sombre dans le sommeil.
Malgré la tragédie, le travail se poursuivit à Ruac. Alon devait être remplacé, mais pas avant
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