Le tombeau d'Alexandre
avez-vous osé descendre ? Comment avez-vous osé ?
— J’ai cru que vous étiez tombée, répéta Gaëlle désespérément. Je me suis dit que vous aviez peut-être besoin d’aide.
— Je vous défends de m’interrompre quand je vous parle.
— Je ne...
— Taisez-vous ! Taisez-vous !
Gaëlle se figea. L’espace d’une seconde, elle fut tentée de répondre. Après tout, cela faisait à peine trois semaines qu’Elena lui avait téléphoné sans crier gare pour la supplier, la supplier , de se retirer pendant un mois du projet de dictionnaire de démotique de la Sorbonne afin de remplacer son assistante en langues anciennes, qui était tombée gravement malade du jour au lendemain. Mais elle savait qu’elle ne faisait pas le poids. La première fois qu’Elena s’était mise dans cet état, elle s’était renseignée auprès de ses nouveaux collègues. Ils avaient haussé les épaules en lui racontant qu’Elena avait jadis été aimable et radieuse, jusqu’au jour où elle avait perdu son mari. Depuis, elle bouillonnait de rage comme un volcan et explosait parfois avec une violence spectaculaire, sans raison apparente et de façon totalement imprévisible. C’était désormais devenu la routine. On craignait sa colère comme le courroux des dieux anciens. Alors, pendant que sa chef lui faisait remarquer avec brutalité son incompétence, son ingratitude, le tort que tout cela causerait à sa carrière, même si elle allait faire de son mieux, bien sûr, pour la protéger, Gaëlle se contenta d’encaisser en silence.
— Je suis désolée, madame Koloktronis, souffla-t-elle lorsque l’éruption sembla enfin toucher à sa fin. Kristos m’a dit que vous vouliez me voir.
— Je lui ai dit de vous dire que j’arrivais.
— Ce n’est pas ce qu’il m’a dit. Je voulais juste voir si vous n’étiez pas tombée.
— Où êtes-vous allée ?
— Nulle part. J’ai juste regardé au fond.
— Bien, articula Elena à contrecœur avant de retrouver son calme. Alors n’en parlons plus. Mais évitez de faire part de cet incident à Qasim, car je ne pourrais pas vous défendre.
— Oui, madame Koloktronis.
Qasim, le représentant local du Conseil suprême, était tout aussi secret qu’Elena concernant ce site. Celle-ci aurait sans aucun doute été embarrassée de devoir admettre devant lui qu’elle avait laissé la porte ouverte sans surveillance.
— Venez avec moi, reprit Elena en fermant la porte d’acier à l’aide de deux gros cadenas, avant de mettre les clés dans sa poche. J’aimerais votre opinion sur un ostracon. Je suis sûre de sa traduction à quatre-vingt-dix-neuf virgule neuf pour cent. Peut-être pourrez-vous m’éclairer sur le dixième qui reste.
— Oui, madame Koloktronis, acquiesça Gaëlle humblement. Merci.
III
— T’es complètement dingue ! s’exclama Max, qui avait suivi Knox jusqu’à la poupe du bateau de plongée. T’as des envies de suicide ou quoi ? Je t’avais dit de laisser cette fille tranquille.
— C’est elle qui est venue me parler. Je suis poli, c’est tout.
— Tu flirtais avec elle.
— C’est elle qui flirtait avec moi.
— C’est encore pire ! Bon Dieu !
Max regarda autour de lui, le visage crispé par la peur. C’est ce qui arrivait quand on travaillait pour Hassan.
— Je suis désolé, dit Knox, je garderai mes distances.
— T’as intérêt. Je ne sais pas ce que vous complotez, ton pote Rick et toi, mais crois-moi, si tu te fais mal voir, vous pourrez dire adieu à votre petit projet.
— Parle moins fort.
— Je préfère te prévenir.
Max leva le doigt, comme s’il allait ajouter quelque chose, mais fit demi-tour et s’en alla.
Knox le regarda partir. Il n’aimait pas Max et c’était réciproque, mais ils partageaient des intérêts bien compris. Max dirigeait une école de plongée. Knox, quant à lui, était un bon moniteur, fiable. Il savait se faire apprécier des touristes, qui n’hésitaient pas à le recommander à leurs amis. De plus, il travaillait pour trois fois rien. En échange, il pouvait emprunter le bateau et le sonar latéral de Max pour ce que celui-ci appelait avec mépris son petit projet. Il esquissa un sourire goguenard. S’il savait ce que Rick et lui cherchaient, Max n’emploierait pas cet adjectif.
Knox était arrivé à Charm près de trois ans auparavant. A peine trois semaines plus tard, il avait fait une rencontre extraordinaire, grâce au
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