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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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docteur Bent, son beau-père, n’en croient pas leurs yeux :
    — Un colis ! Et quel colis ! Il fait au moins vingt kilos.
    — Qui l’a apporté ?
    — C’est Alice Landau. Elle est venue de Montauban. Elle a mis cinq jours.
    Ce sont tous les clients, tous les amis des deux médecins qui ont préparé le paquet. Vingt kilos de foie gras, de saucissons… et cinq litres de vin blanc.
    — Réunissons tous les amis du Tarn-et-Garonne…
    — Mgr Theas ?
    — Bien sûr ! Mais on n’invite pas un évêque comme ça.
    — Je vais bien trouver un tabouret…
    Et Mgr Theas s’installe sur le tabouret.
    Ici, c’est le Tarn-et-Garonne, là, les Marseillais ; plus loin, les Toulousains et les Ariégeois autour de Dubié, le célèbre chef cuisinier. Les Normands sont peut-être les plus gâtés grâce aux deux colis « gigantesques » reçus par Francis Fagot : beurre, gâteaux, porc salé bouilli, lapin, chocolat, sucre, vieux marc.
    Quelqu’un plaisante :
    — Pour un dernier repas, c’est un dernier repas…
    — Tais-toi et mange.
    Assis sur son lit Robert Schmidt referme le manuel de prières sur lequel il vient d’écrire ses dernières volontés. Il se retourne vers son ami Roger Rouillon xxv  :
    — Veux-tu me rendre un grand, un dernier service. Je suis sûr de ne pas revenir de là-bas, je te demande de prendre ce petit livre et de le remettre à ton retour à ma famille.
    — Mais voyons ! C’est peut-être moi…
    — Non ! Je sais que je vais mourir xxvi .
    Comme Albert Charpentier, des dizaines de prisonniers décollent ou déclouent le talon d’une chaussure pour cacher une lettre qu’ils jetteront pendant le voyage.
    Un petit gros propose sa chevalière contre un couteau.
    René Bandel recherche du papier huilé :
    — Pour quoi faire ?
    — Tu n’as jamais lu les histoires de Cayenne ?
    — Si !
    — Eh bien, je prépare un plan.
    — Un plan ?
    — J’enveloppe mon couteau de papier huilé et hop ! en suppositoire…
    — Bonsoir !
3 1 er JUILLET
    8 h 30  – Compiègne.
    Gare de triage.
    Kruchen, le chef de dépôt allemand – petit, lunettes à montures d’acier, fines moustaches – vérifie une deuxième fois les deux tronçons du train 7909. Sur la plaquette de bois qu’il tient à la main, sont agrafés les télégrammes expédiés par les deux services parisiens qui, en étroite relation, organisent les convois de déportés : H.V.D. et T.K. xxvii . Le sous-chef de gare Muller lèche la pointe de mine du crayon-encre attaché par une cordelette à l’écritoire et paraphe les pelures destinées à Alfred Carpentier, chef de gare français de Compiègne, Raoul Merlin, sous-chef de gare, Alfred Pâques, chef de manœuvre principal.
    C’est Raoul Merlin qui a formé le 7909, comme d’ailleurs la plupart des convois de déportés.
    Le 28 juin, la gare de Paris-bestiaux expédie au triage de Compiègne une cinquantaine de wagons type : hommes 40, chevaux (en long) 8. Du tout venant… la plupart des modèles en circulation à l’époque sont représentés : anciens wagons de « France-Midi » de quinze mètres carrés, wagons allemands, belges, italiens et même, jurant un peu dans ce lot de vieilles caisses en bois, un wagon métallique xxviii . Les wagons spéciaux, provenant en général de la gare du Nord, n’arriveront que le lendemain : huit wagons de marchandises à vigie xxix , trois voitures voyageurs avec portières latérales pour chaque compartiment et enfin un châssis plate-forme.
    Organiser le convoi, puis le placer sur les voies IV et VI près de la Halle aux Marchandises, n’est pas toujours facile. Les cheminots allemands de la gare, méticuleux et respectueux des consignes (même en juillet 1944), vérifient longuement l’état du matériel et éliminent systématiquement tous les véhicules présentant la moindre anomalie et, avant tout, ceux qui comportent des planches disjointes xxx . Les refusés sont refoulés sur Paris.
    Le quai de la déportation (anciens départs voyageurs : Soissons et Villers-Cotterets) ne peut recevoir les convois de plus de vingt wagons car les aiguillages sont proches des butoirs. Le 7909 sera donc partagé.
    9 heures  – Compiègne .
    Camp de Royallieu.
    La corvée de cuisine décharge un camion de haricots :
    — La Croix-Rouge fait bien les choses : mille huit cents kilos… S’il n’y a pas la qualité, il y a la quantité. Ils auront le ventre plein à

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