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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pleure :
    — Il xvii me regarde sans mot dire et des larmes coulent sur ses joues. Je baisse les yeux me sentant honteux mais espérant, par égoïsme ou instinct de conservation, ne pas entendre mon nom… « Habermacher Maurice »… « Présent ». J’éprouve un grand choc intérieur puis à la fois une grande satisfaction et un soulagement. J’ose alors regarder mon ami Claude bien en face. Nous nous embrassons, nous pleurons.
    Paul Weil, Alphonse Kienzler, Edgar Amigas se suivent depuis deux ans, de prison en prison, d’épreuve en épreuve :
    — Weil Paul ?
    — Présent.
    — Kienzler Alphonse ?
    — Présent.
    Peut-être le seul de cette multitude Edgar Amigas espère entendre son nom.
    — Dès xviii les premières semaines après mon arrestation en septembre 1942, j’eus la chance de rencontrer, en prison, quelques camarades entrés dans la Résistance comme moi, idéalistes et fougueux et je ne puis m’empêcher d’évoquer ardemment la figure de mon ami Edgar Amigas, originaire de Toulon, étudiant à Grenoble, et avec lequel je fis par bonheur, durant deux ans, l’apprentissage d’une véritable amitié. Nous ne fûmes presque jamais séparés durant cette période et ensemble nous fîmes le coup de poing contre les gardiens de Clermont-Ferrand pour tenter de nous évader. Ensemble, nous avons été matraqués presque à mort, à coups de nerf de bœuf par les policiers et les gardiens qui avaient été rendus fous furieux par notre tentative. Ensemble, nous eûmes faim, froid, connûmes le désespoir et l’exaltation, lorsque les nouvelles favorables de la situation militaire nous parvenaient. Ensemble, nous participâmes à la mutinerie d’Eysses et c’est à Compiègne que je le vis pour la dernière fois.
    — Edgar Amigas n’étant pas, pour je ne sais quelle raison, sur les listes de départ, il fit l’impossible pour nous rejoindre. Il tenta de se faire passer pour un autre, supplia, mais rien n’y fit. Et c’est avec tristesse que notre petite équipe se trouva brusquement amputée d’un des meilleurs d’entre nous. Jamais je n’oublierai la peine de notre ami qui, malgré le risque qui nous attendait en déportation, aurait préféré rester avec nous, afin de ne pas rompre une amitié forgée dans la plus cruelle des épreuves. Pour nous consoler, Paul Weil et moi pensâmes que peut-être il aurait une plus grande chance de s’en tirer car les Alliés approchaient… xix
    16 h 45 :
    Un sous-officier agrafe les listes alphabétiques, le Doyen réclame le silence :
    — L’appel est…
    — Merde ! Sale con !…
    — L’appel est…
    — Salaud ! Vendu ! On te retrouvera !…
    — L’appel est terminé… demain après-midi vous passerez au camp C.
    — On veut pas aller avec ces bandits. Nous on est des résistants.
    — Ta gueule ! Laisse parler M. le Doyen.
    M. le Doyen est cramoisi. Deux gardiens, mitraillette en main, ne peuvent s’empêcher de sourire :
    — Maintenant vous allez préparer vos bagages. Ils seront transportés en charrette à la gare et vous les retrouverez à votre arrivée à destination. Pour votre voyage, interdiction vous est faite d’emporter quoi que ce soit, à l’exception d’une musette avec quelques vivres, mais moins d’un kilo et pour ceux qui en ont une personnelle – j’insiste bien « personnelle » ; une couverture.
    Chacun retrouve sa baraque. Angoisse. Questions.
    — Il est temps xx maintenant de faire nos adieux à ceux qui restent, de leur faire nos dernières recommandations pour la famille au cas où ils seraient libérés. Hélas ! combien se souviendront de leur promesse ? Triste égoïsme de la joie qui fait oublier le reste.
    — Je songe déjà à ce que sera cet ultime instant où, sur le parcours qui conduit à la gare, je reverrai ma femme et qui sait ?.., peut-être mes petits. Ah ! s’ils pouvaient ne pas savoir, ne pas venir. Ne pas leur donner ce dernier au revoir sans parole, cette atroce vision d’un être qu’on ne reverra peut-être plus…
    Pourtant n’est-ce pas là faire preuve d’égoïsme ? Ne vaut-il pas mieux au contraire les voir, leur cacher notre propre inquiétude, leur montrer par notre physionomie confiante que nous restons toujours forts ? Oui, c’est là la meilleure solution et je m’y préparerai comme tant d’autres ont dû le faire avant moi.
    17 h 15 :
    Henri Chant, le garagiste de Lyon, retrouve Mgr Theas dans le

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