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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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voulez ?
    — Pourquoi voulez-vous me tuer aussi ?
    — J’étouffe… Non !… Je ne veux pas mourir… Je veux revoir ma famille… Assassins ! Assassins !
    — Mais qu’est-ce que je vous ai fait ?
    — Oh ! Mon Dieu, ayez pitié de moi…
    Ces phrases revenaient comme un leitmotiv.
    Il était fou !
    D’autres camarades s’évanouissaient çà et là. À tout instant on demandait de l’eau pour leur jeter à la figure. On les frappait, on leur mettait des linges humides sur les lèvres, on s’affolait…
    Le wagon ressemblait à une ménagerie. On n’entendait plus qu’un concert de cris discordants. Le fou hurlait toujours.
    Par comble de malheur, il devint furieux. Il s’était dressé, vacillant sur ses jambes ; et, comme il n’avait pas de place pour circuler, il piétinait ses voisins qui se le rejetaient l’un l’autre.
    Devant moi, dans l’ombre, un jeune camarade se débattait en gémissant :
    — Il m’étouffe ! Il est assis sur ma poitrine… Ah !… Ah !… Enlevez-le ! Je meurs… de grâce, enlevez-le !…
    Puis, ramassant ses forces, il se mit à crier :
    — Au secours ! Au secours !
    Le malheureux fou fut finalement rejeté d’un autre côté où un concert de cris s’éleva aussitôt. La bataille recommençait. Aux brefs instants de répit, on entendait à l’autre bout du wagon, une voix qui criait :
    — Un camarade se meurt, là, dans notre coin… De grâce, envoyez une goutte d’eau… rien qu’une goutte d’eau.
    Il n’y avait plus d’eau.
    Deux volontaires, qui, debout, agitaient des linges pour essayer d’établir un courant d’air se laissèrent tomber, exténués.
    Un autre malheureux venait encore de mourir près de nous… On ne savait plus le compte des morts… C’était effrayant !…
    L’interprète interpella de nouveau les sentinelles. On essaya de faire silence. Leur seule réponse se traduisit par :
    — Gueulez pas tant, ou on tire dans le wagon !
    Les cris reprirent alors, plus effroyables qu’auparavant.
    Bien vaine menace !… Qu’importait à ceux qui allaient mourir de recevoir une balle !… N’était-ce pas plutôt leur libération…
    Le fou délirait toujours. Son monologue avait fait place à des cris incohérents… Peu à peu sa folie s’amplifiait, et bientôt il fallut se défendre sérieusement…
    Il essayait de nous étrangler. Se précipitant sur ses voisins, les mains crispées, il les attrapait et les serrait à. la gorge.
    À un certain moment, même, je sentis ses mains qui cherchaient mon cou à tâtons dans le noir. J’eus un frisson de terreur et, sans réfléchir, je le saisis brutalement et lui envoyai un violent coup de poing dans la figure… Il retomba en arrière, poussant un cri de bête ; puis, je fus déçu de mon incapacité, car aussitôt il se rejeta sur un autre camarade, écrasant deux ou trois autres sous ses pieds…
    Lentement, je me tassai dans mon coin, le ventre plié, la poitrine oppressée, les membres tordus sous la masse croulante des corps. Je m’enfonçai dans le néant… Puis, brusquement, j’entendis, demi conscient, des hurlements à côté de moi… Des cris horribles d’épouvante, les râles des mourants, les imprécations de ceux qui, résistant encore, avaient gardé tout leur esprit. Peu à peu, me sentant faiblir, je sombrai dans une inconscience totale…
    Après un sursaut, je me répétais mécaniquement :
    — Non ! il ne faut pas… il ne faut pas…
    Dans dix-huit villes de France, les services météorologiques de l’armée allemande relèvent la température extérieure. Ces dix-huit points vont ensuite transmettre à Hambourg, siège central de la météorologie de l’armée, leurs observations. Si l’on se reporte à cette carte du dimanche 2 juillet 1944, et au graphique établi par la Commission météorologique française, du département de la Marne cxxxv , on constate que les deux villes qui ont enregistré, ce dimanche après-midi, les températures les plus élevées, sont Reims et Châlons-sur-Marne : 34° cxxxvi .
4 LA FOURNAISE DE REIMS
    14 h 15  – Reims gare.
    Le chef de gare Jacquet compose le numéro de téléphone de M lle  Fernande Pierre, directrice du centre d’accueil de la Croix-Rouge.
    — Un train de déportés va entrer en gare dans quelques minutes. Il y a de très nombreux morts… On ne sait pas exactement ce qui s’est passé…
    — J’arrive !
    14 h 35  – Reims gare.
    Le train 7909, après

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