Le train de la mort
d’espoir leur était permis.
Nous avons essayé de les encourager, de leur donner un peu d’espoir, mais ils se savaient perdus. Jusqu’au dernier moment nous avons apporté de l’eau, en essayant de les encourager. Les Allemands nous ont ordonné de partir et les bras ballants, nous avons vu le convoi démarrer vers une destination inconnue. Quelques déportés nous ont crié « Merci ». Leur voix dominait à peine le bruit strident et lugubre des roues sur l’acier brûlant. Les Allemands étaient grimpés en hâte dans leur wagon, fusils braqués sur nous.
Wagon Fonfrède.
… J’eus cxxxiii brusquement un malaise, avec le sentiment angoissé de ne pas trouver ma respiration. J’avais également commencé à sentir des picotements dans les extrémités, puis ces symptômes se généralisant avaient gagné le ventre.
Je me levai d’un bond, réclamant d’urgence qu’on me fasse place à la fenêtre pour respirer. J’essayai de m’agripper aux barreaux, mais, engourdies, mes mains ne voulaient plus obéir et restaient crispées, comme mortes. On dut me soutenir un moment. Une sentinelle qui parcourait le ballast me fit signe de disparaître en me menaçant de sa mitraillette. Il me fallut reculer. Alors, les camarades, en se décalant un peu, me firent une place près de la porte coulissante du wagon, Ce peu d’air m’avait fait du bien…
Malheureusement, avec l’heure qui avançait, la chaleur se faisait plus forte d’instant en instant. Il était peut-être midi, personne n’avait plus envie de manger, et notre malaise latent s’aggravait encore avec la soif.
On se mit de nouveau à distribuer à boire.
Le train stationnait maintenant depuis plusieurs heures sans doute, et ne semblait toujours pas devoir partir. Nos wagons immobiles sous le soleil étaient devenus de véritables fours. Les planches étaient brûlantes et la tension nerveuse arriva bientôt à sou paroxysme.
Il y eut encore des discussions au sujet de l’eau, certains prétendaient ne pas avoir bu. On recommença une distribution, mais les discussions s’envenimèrent… Un des nôtres qui parlait allemand fut désigné pour faire régner l’ordre et servir d’interprète en cas de besoin.
Un semblant de calme faillit se rétablir, mais déjà plus personne n’était dans son état normal et le moindre incident risquait de faire éclater l’orage.
Puis, brusquement, un gros type plein de sang, à la face rouge et congestionnée tomba en syncope. Ce devait être un nouvel arrêté, car il était plein de forces.
On rouvrit le tonneau. Des linges mouillés circulèrent. Ses voisins lui frappèrent la figure en l’éventant…
La chaleur était intolérable. Le tonneau s’épuisait… Nous mesurions l’eau et, à peine avions-nous bu, que déjà nous mourions de soif… La plupart, nous étions nus jusqu’à la ceinture et la sueur ruisselait à grandes rigoles sur nos poitrines.
Il fallait réagir… faire quelque chose… mais nous étions impuissants. Chacun espérait que le mouvement de la marche apporterait de l’air, et c’était à qui répéterait :
— Le train ne partira donc pas !
On décida d’enlever tous les vêtements qui pendaient au plafond de notre wagon et qui interceptaient sans doute une grande partie de l'air. Le moindre déplacement était difficile. Nous nous écrasions les uns les autres. Mais il fallut y arriver tout de même. On décrocha les manteaux, les vestes. On en fit des tas et tout le monde s’assit dessus.
L’ordre à peine rétabli, on voulut boire : il n’y avait plus que quelques gouttes d’eau pour chacun. L’évaporation se faisait de plus en plus rapide, saturant le peu d’air qui restait, et le wagon s’emplissait de gaz nocifs.
La tinette laissait échapper des relents fétides. Presque tous, nous nous éventions avec nos mouchoirs.
Notre interprète se hissa vers l’une des lucarnes pour expliquer notre manque d’air, en demandant l’ouverture d’une porte. La sentinelle lui rit au nez…
Il fallait se rendre à l’évidence : nous étions voués à étouffer là-dedans.
C’est à ce moment qu’on apprit tout à coup la mort d’un de nos compagnons… Cette nouvelle nous atterra. C’était un jeune de Clermont cxxxiv . Son frère était là, près de nous, profondément bouleversé :
— Pourquoi l’avez-vous tué ? Vous êtes tous des assassins… Assassins… Assassins.
— Mais qu’est-ce que vous me
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