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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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le docteur Bent remonte avec son précieux flacon de menthe en main.
    — Refermez les portes.
    Wagon Bent-Solladié.
    Tout le monde crie :
    — Bravo docteur ! Bravo !
    — À moi ! Du sucre !
    — Silence ! Écartez-vous de ceux qui sont couchés. Je vais commencer par eux.
    La solide carrure et la barbe en imposent. Les malades sont dégagés.
    — Malheureusement cxxxix nous n’étions pas que des Résistants. Je me souviens d’un grand blond qui ne trouva rien de mieux que de se mettre en pyjama et de s’allonger. Pour faire de la place, il donnait des coups de pied. Dans cet espace étouffant, se rebiffer c’était déclencher la bagarre, ce qu’il fallait éviter à tout prix. Comme il y avait également, dans cette partie du wagon, un « meuble » dont nous aurions voulu éviter l’usage – la tinette – nous trouvâmes une solution un camarade et moi. Comprenant que nos affaires personnelles avaient maintenant peu de valeur, mon camarade n’hésita pas à sacrifier sa veste pour la plier et en coiffer le bidon en guise de couvercle. Nous en profitâmes pour en faire un siège et bien d’accord tous les deux, bien décidés à rester calmes, nous mîmes au point une combinaison : pendant que l’un serait assis sur le bidon, l’autre debout sur les bords, le corps du compagnon entre les jambes aurait la tête à hauteur de la lucarne et profiterait d’un peu d’air.
    14 h 50  – Reims gare.
    — Dès l’arrêt cxl , alors que des camarades passaient de l’eau, moi, à l’aide d’un tuyau de caoutchouc branché sur une prise d’eau à quai, je glissais l’extrémité de celui-ci entre les barbelés qui garnissaient la fenêtre d’aération de chaque wagon. Un officier allemand s’est rué sur moi et me secouant violemment m’obligea à cesser le ravitaillement que j’effectuais. Sans lâcher le tuyau, je me suis débattu et j’ai quelque peu malmené l’Allemand. Celui-ci, à son tour, s’emparant du tuyau d’où, sous la pression, l’eau jaillissait abondamment, m’arrosa copieusement. Non content de cette opération, il m’a encore flagellé sur les reins, une quinzaine de fois avec le tuyau et, par la suite, j’ai dû interrompre mon travail une quinzaine de jours…
    15 heures  – Reims gare.
    — Tu as la feuille de route ?
    — Voilà.
    Claude Gérard, le nouveau chef de train du 7909, quarante-trois ans et quelques cheveux blancs, quitte le bureau des « Prises de Service ». Le cheminot qui ouvre la porte lui déconseille d’emprunter le quai :
    — Ils sont hargneux. Ils craignent une attaque de la Résistance. Ils ont posté des SS tous les cents mètres sur plus de trois kilomètres. Il vaut mieux que tu fasses le tour par l’extérieur. Ton fourgon doit être au poste d’aiguillage principal, sur le pont de Courcelle.
    Dernier barrage. Dernière vérification.
    — Pas monter là !
    — Mais c’est mon wagon, mon travail…
    Longue discussion, identique à celle engagée devant ce même wagon en gare de Compiègne par le chef de train Cyriaque Frizon. Claude Gérard a cependant plus de chance que son prédécesseur, il ne voyagera pas sur la plate-forme entre les mitrailleuses, mais dans la dernière voiture voyageurs d’escorte.
    — Confortable ! Bien assis !
    Rires. Moleskine noire. Bouteilles de vin. Papiers gras et armes à l’abandon.
    — Et pas bouger. Pas descendre.
    Dans le compartiment voisin des soldats italiens chantent cxli .
    15 h 10  – Reims gare.
    Aux commandes de la locomotive relayeuse : Théophile Mulette et Jean Hauller. ils n’ont échangé au dépôt, que quelques phrases rapides avec l’équipe « descendante » Corville-Dorgny cxlii  :
    — Ce sont des déportés. Ils tombent comme des mouches.
    — Avec cette chaleur !
    — Les salauds !
    Richter en personne libère le convoi.
    Régulateur. Cascade d’écume. La machine arrache le convoi. Au ralenti dans le dédale des crevasses ouvertes par les bombes américaines de juin.
    Les rails, portés par des traverses en équilibre sur des échafaudages de madriers, ploient et grincent.
    — On va verser !
    — Mais non ! Occupe-toi de ton fourneau. Je suis passé vingt fois.
    — Je te dis…
    — Après l’aiguillage de Betheny c’est du solide.
    L’aiguillage du dépôt est à trois kilomètres.
    En gare de Reims les feldgendarmes font évacuer les quais. Un train militaire est annoncé.
    Wagon Guérin-Canac.
    — Je cxliii

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