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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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 – Reims gare.
    — Après le départ du train cxliv , je suif allée trouver M. Jacquet, le chef de gare, pour lui demander d’alerter la Croix-Rouge de Châlons et de lui signaler, de ma part, l’état dans lequel se trouvait la généralité des prisonniers et les médicaments dont il serait nécessaire de se munir.
    Reims  – Triage de Betheny.
    (wagon Fulty-Thomas).
    Et la tragédie continua cxlv , les hommes, perdant connaissance, s’affaissaient sur leurs voisins. Ceux-ci tentaient de les soutenir ou de les rejeter, mais s’affalaient bientôt sous leur poids. Dès qu’un membre, bras ou jambe, se trouvait pris sous un corps, il était impossible de le dégager et, tôt ou tard, on se trouvait enseveli sous d’autres corps. Beaucoup périrent étouffés par le poids des corps dont ils n’avaient pu se dégager ; d’autres perdirent la raison, c’est ainsi que Barrois se figurait jouer une partie d’échecs avec moi. Son délire fut bref et il s’endormit sans souffrances. J’assistais impuissant à sa mort.
    Quelques-uns devinrent fous furieux. Ils se mirent à frapper leurs voisins à coups de poing, de souliers, de gamelles… à sauter, à courir d’un bout à l’autre du wagon en écrasant les camarades. Ceux-ci, en se défendant, perdaient le peu de force et de souffle qui leur restait et succombaient à leur tour.
    Un homme brandit un canif, son visage reflétait le délire. Les yeux démesurément agrandis, sortis des orbites, la bave aux lèvres, des cris inarticulés sortaient de sa bouche. Je tremblais continuellement de le voir s’abattre sur moi. Avec une serviette passée dans un anneau, je m’étais attaché le bras gauche à la paroi de façon à ne pas basculer et être étouffé si je perdais connaissance. Le coude ainsi relevé, je tenais devant moi sur mon avant-bras, ainsi qu’un toréador, mon veston ; de l’autre main, je tenais un soulier, me préparant à la défense. Enfin il se jeta sur son plus proche voisin et lui larda le visage de coups, lui crevant les yeux ; il se trancha ensuite la carotide. Cette scène atroce me soulagea cependant, m’ôtant la peur d’être attaqué.
    Je vis alors, dans une sorte de brouillard, car je perdais connaissance, Bulher, qui se trouvait à l’autre bout du wagon, complètement nu, se mettre sur les genoux, se redresser, s’agripper aux anneaux de la paroi et se hisser jusqu’au vasistas pour pouvoir respirer. Il resta quelques secondes ainsi suspendu à la fenêtre. Un fou l’ayant vu se jeta sur lui, le prit à la ceinture et le fit basculer. Ils luttèrent quelques minutes et tombèrent tous deux sans pouvoir se relever.
    Je perdis à mon tour notion de tout. Je sentis une torpeur immense s’emparer de moi. Mon voisin, un communiste arrêté déjà depuis trois ans me ranima ; il avait un peu d’eau dans un Thermos et quelques morceaux de sucre. Auparavant, il avait été contraint d’achever, en l’étranglant et en le frappant à coups de gamelle sur le crâne, un dernier homme atteint de délire. Tout était maintenant rentré dans le calme.
    Seuls deux ou trois hommes avaient pu conserver leurs esprits jusqu’au bout. Ceux qui, comme moi, se trouvaient en surface sur cette masse de cadavres, revinrent peu à peu à eux. La majorité des camarades ayant cessé de respirer, les survivants eurent ensuite suffisamment d’air. Nous n’avions pas réalisé, au début, l’étendue des pertes, tellement la chose était inconcevable. Ce n’est qu’en voyant tous ces corps étendus enchevêtrés, pêle-mêle les uns les autres et sans mouvements que nous comprîmes qu’ils étaient bien morts… Chacun appelait ses camarades, parfois son père ou son frère.
    15 h 40  – Reims, dépôt de Betheny.
    L’officier S.D., furieux, claque la porte du réduit qui sert de bureau au responsable du dépôt.
    — Il m’envoie une voiture !
    Richter a chargé Betheny du relèvement de la machine et de la manœuvre de repli du 7909. Une dizaine de « V.B. » grimpent sur le wagon-atelier et le wagon-grue. Sous la marquise, le pont roulant pivote.
    15 h 40  – Reims gare.
    M lle  Pierre n’a plus la force de se battre seule contre les « autorités » galonnées qui, déjà, verbe haut, réapparaissent dans la gare. Elle téléphone au docteur Bouvier, maire de Reims, président de la Croix-Rouge ;
    — Le docteur Bouvier doit être sur le chemin de la gare… il vient de partir poster des lettres.
    M

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