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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’horreur, certains hurlent jusqu’à la mort :
    — Au secours, je ne veux pas mourir…
    Plus de la moitié des occupants du wagon sont morts ; tous ces hurlements résonnent douloureusement dans ma tête. Je m’endors pendant que mes pensées courent vers ceux que j’aime. Combien de temps a passé, quelques minutes, quelques heures ? Je ne sais. Le soleil pénètre obliquement à travers la lucarne, éclaire le tableau effrayant de cadavres amoncelés et d’agonisants. Maintenant le silence est revenu, plus terrible, et il n’y a plus qu’un seul homme qui délire et répète à voix basse :
    — Je ne veux pas mourir, pitié, mon Dieu !
    De plus en plus bas, de plus en plus lentement… Il s’arrête comme un disque à bout de course :
    — Je ne…
    Je recherche le professeur Vlès. Avant que je ne m’endorme, il était à côté de moi. Maintenant, c’est un inconnu qui me répond :
    — Il m’a cédé sa place, puis il était assis là, mais à la suite d’une bousculade, il a été repoussé et il dort un peu plus loin.
    Je me dégage et me traîne jusqu’à lui. Il a l’air de dormir, mais sa respiration est trop irrégulière. Il entrouvre les yeux et me regarde avec bonté.
    — Il faut prendre ma place, lui dis-je, je me retourne, un autre s’y est déjà glissé.
    — Mon petit, ça ne va plus.
    Puis après un long silence :
    — Il faut que je te parle de mes recherches. Je n’en ai parlé à personne. C’est quinze ans de travail.
    Je me penche vers lui, mais ses yeux deviennent lointains ; je l’entends encore dire quelques mots :
    — Laboratoire, ma femme, Blanchette, assistants.
    Il tombe sans connaissance. Rassemblant tout ce qui me reste de forces, je le traîne vers la lucarne et j’arrive à le hisser jusqu’aux barbelés, mes doigts s’y accrochent, nos deux têtes sont presque à la hauteur de l’ouverture. Combien de temps vais-je tenir ? Un choc me fait tomber, je suis sans force, épuisé ; je l’allonge près de la lucarne, un peu d’air me semble nous parvenir, mais il respire de plus en plus lentement, de plus en plus faiblement, puis ses traits se détendent. Il semble calme et heureux… Le professeur Vlès n’est plus…
    Malgré tout il faut lutter ; je me hisse jusqu’à la lucarne, l’air ne pénètre pas, car l’atmosphère chaude et putride du wagon est trop lourde. Tout à coup, je me sens serré à la gorge ; je n’ai pas senti venir celui qui m’attaque, il serre de plus en plus, le sang bat fortement dans ma tête, je tombe en essayant de me dégager ; dans la chute, heureusement, il m’a lâché ; il se relève, s’assied sur les cadavres et me regarde avec des yeux vides et fous.
    Je vois aussi « le petit » qui a un pneumothorax et pour qui j’étais intervenu à Compiègne, espérant l’y faire rester. Rien n’a servi. Il a bien tenu jusqu’à présent, mais maintenant il se congestionne et respire péniblement. J’interpelle un gardien qui circule le long du convoi. Je le supplie en allemand de nous donner un peu d’eau. Je lui dis qu’un jeune garçon de dix-sept ans va mourir, il a peut-être un fils du même âge… :
    — Ayez pitié, en souvenir de votre père, de votre mère.
    — Bien sûr que j’ai un fils du même âge, me répond-il, mais qu’est-ce que ça peut me faire ; vous l’avez voulu, vous n’avez qu’à crever et si vous n’êtes pas tous morts à l’arrivée, on vous descendra.
    Et pour compléter sa phrase, il me menace de sa mitraillette. Voilà la conclusion :
    — Si vous n’êtes pas tous morts, on vous descendra tous…
    Alors pourquoi continuer à lutter, à souffrir ? Ma résolution est prise, je m’étends à côté du professeur Vlès, mon vieux patron, et j’attends la mort. Les souvenirs passent, mon enfance, mes amis, mes parents, je me confesse.
    — Notre père…
    Qu’il est facile de mourir ainsi… La vie me paraît bien irréelle.
    — Rohmer !
    Qui m’appelle ? Je suppose que c’est mon brave Roliot. Je me sens mieux. Il ne faut pas mourir, il faut lutter jusqu’au bout ; s’ils veulent nous abattre, nous tâcherons de faire payer notre mort. Je me relève et, en titubant, je m’approche de mes amis. Mes pieds s’enfoncent sur les cadavres, je dérape sur une tête et m’écroule le nez sur une fissure du plancher, couché sur je ne sais qui, mais il respire à peine. Je tombe dans le coma.
    *
    * *
    C’est maintenant Camille Rozan

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