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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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enchevêtrés jonchent le sol. Garnal, la jambe coincée sous plusieurs corps, réclame de l’aide, Garcia s’évanouit ; le jeune Boueilh lui relève la tête, le gifle, l’évente avec un mouchoir.
    Alain Marsille sent une douce torpeur l’envahir…
    — Attention !
    Guitard, le « géant », brise ses liens. Il hurle :
    — On va crever tous. Je ne veux pas crever !
    Il est encore tenu par un bras.
    Jean Guitard clxiii , qui était âgé de trente-huit ans environ, avait été arrêté à Toulouse, la nuit, en mai 1944, alors qu’il regagnait son domicile après avoir effectué la garde aux voies ferrées, légalement désigné par la Municipalité toulousaine. Il fut appréhendé par un milicien de service dans une rue de Toulouse, et fut incarcéré pour « vérification » de papiers et d’une somme d’argent de 32 000 francs dont il avait été trouvé porteur au moment de son arrestation. Il fut écroué dans ma cellule à la prison Saint-Michel de Toulouse (n° 25, quartier 2) où je me trouvais depuis le 15 mai 1944. Jamais il ne fut interrogé, malgré ses nombreuses demandes auprès des gardiens de la prison.
    La dernière ceinture qui le retenait à l’anneau s’étire, se déchire.
    — Il voulut détruire le panneau cloué sur l’un des hublots d’aération. Il parvint, à force de coups de poing, à enfoncer les planches. Les sentinelles du convoi prirent cet acte pour une tentative d’évasion ou pour un acte de rébellion caractérisé. Un des gardes fit le tour de notre wagon, arracha les planches de l’autre hublot (situé à l’avant droit dans le sens de la marche du train, alors que celui détruit par Guitard se trouvait à l’arrière gauche) et, par cette ouverture libérée, fit feu avec son revolver sur Guitard toujours occupé à détruire le panneau opposé. Malgré nos avertissements, il se tint debout, s’offrant en cible face au garde qui tirait sur lui. La huitième balle seulement l’atteignit au bras droit et la neuvième à la tête, derrière le lobe de l’oreille droite, la balle ressortant par l’œil gauche. Guitard s’est alors écroulé et nous le pensions mort.
    — Je suis clxiv placé à environ deux mètres de Guitard, derrière lui… Les premières balles tirées se logent dans le panneau près de sa tête… Il se retourne, nous regarde… Le gardien tire encore. Notre ami est touché à l’œil droit. Il pousse un cri et tombe à la renverse. Il semble que le calme soit revenu. Pas pour longtemps. Un autre camarade de Toulouse, Gally, va tenter comme Guitard d’arracher les fils de fer barbelés. La tête du gardien réapparaît à la lucarne opposée… À la deuxième balle, la branche des lunettes de Gally vole en éclats, mais il ne sera pas blessé et se cachera parmi nous, à plat ventre, pour échapper au tir. Mais cela va augmenter la tension dans notre wagon. Le désespoir s’empare de certains et la bagarre recommence. Là, je dois me défendre. Dans toute cette furie, je reconnais un ami du Gers, Bernado. Je l’emmène dans mon coin ou, entre deux planches, passe un peu d’air. Je le fais respirer. Ça va mieux pour nous deux.
    16 h 35 – 20 heures  – Reims, voie de garage ,
    (wagon Guérin-Canac).
    — Il y a clxv un type à quatre pattes qui essaie d’étrangler tous ceux qui sont assis. Il étrangle aussi bien les vivants que les morts. Nous sommes dans notre coin, à bout de forces. Steff lui, commence un peu à partir. Je dois le défendre continuellement d’un type qui l’accuse de lui avoir pris sa femme et qui veut l’étrangler. Un autre se lève furieux, l’index tendu en avant et le plante de toutes ses forces dans l’orbite d’un camarade ; il lui arrache l’œil d’un coup sec.
    — Sombre dimanche clxvi . Je ne cesse de penser à ma femme et à mes petits, ce qui me donne la force de résister.
    16 h 35  – 20 heures  – Reims, voie de garage
    (wagon Liotier).
    — L’affolement clxvii est à son comble ; les yeux dilatés par la souffrance, chacun essaie de survivre. Le frottement de mon dos contre la paroi du wagon m’arrache des cris de douleur ; mes narines sont pincées, ma langue a enflé, dans de terribles proportions et un effort incroyable m’est maintenant nécessaire pour pouvoir respirer l’air vicié. Malgré les menaces, malgré les rafales, chacun ne cesse de réclamer à boire, d’appeler au secours, d’implorer pitié, de réclamer des soins. Personne ne

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