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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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camarades les plus atteints et dont l’affaiblissement devenait plus qu’inquiétant, pour leur survie immédiate !
    Ce soleil éclatant qui nous cuisait, aggravait inexorablement notre situation tendue à la limite de nos forces. Et toujours des cris, des hurlements, des coups violents frappés sur les parois tout au long du convoi.
    16 h 35 – 20 heures  – Reims, voie de garage (wagon Rohmer).
    La tragédie clviii se poursuit, s’accélérant de minute en minute ; en deux, trois heures, soixante-quatorze de nos camarades vont mourir de chaleur, d’asphyxie, de manque d’eau. Nous manquons de plus en plus d’air, les signes d’asphyxie se précisent ; les corps ruissellent, l’atmosphère est surchargée de sueur, les scènes de folie ou de délire commencent.
    Les uns hurlent désespérément au secours et frappent avec violence contre les parois du wagon ; les autres halètent et s’agitent de plus en plus. Pourtant notre petit groupe de Clermont reste calme. Peupion, appuyé contre la porte, semble perdu dans un rêve. Âgé de plus de soixante ans, il sait que pour tenir il faut se ménager. Par suite d’une bousculade, je me trouve à côté de lui ; Rollot et le professeur Vlès sont tout près et nous sommes appuyés contre cette porte à travers laquelle circule un peu d’air. La place est meilleure ; du moins pendant que le train roule. Chacun surveille son voisin, redoutant le pire.
    Un des prisonniers de Riom s’est précipité, fou furieux, sur Mirabelle et l’a frappé en pleine figure, faisant couler le sang. Il tombe en arrière ; l’autre se jette sur lui, les corps roulent, on entend des gémissements de douleur. La folie gagne la moitié du wagon. Les uns se jettent sur les autres, se frappent à coups de chaussures, à coups de bouteille, s’étranglent. Les uns après les autres, ils retombent épuisés et meurent enchevêtrés, n’ayant plus la force de se dégager.
    J’avais pour voisin un petit coiffeur, qui avait été véritablement martyrisé à Clermont. Par ironie, la Gestapo lui avait arraché les cheveux et transformé son crâne en bosses innombrables en le frappant à coups de marteau « pan, pan, pan, pan » comme faisait le signal de la radio anglaise. Subitement, il me regarde, les yeux fous, se lève d’un bond, hurle :
    — Toi aussi tu veux ma mort, je ne veux pas mourir.
    J’essaie de le retenir, il se précipite à l’autre bout du wagon, écrasant les poitrines et les têtes de ceux qui sont assis, puis basculant en avant tombe pour ne plus se relever.
    Un sommeil invincible me saisit, je m’endors. Le professeur Vlès me réveille :
    — Ça ne va plus, mon pouls s’accélère et maintenant il se ralentit ; je respire mal, que faire ?
    Après quelques applications d’eau froide sur la nuque, il se sent soulagé, mais peu après c’est mon tour d’être incommodé. Mes doigts fourmillent, une crampe me prend, mes mains se crispent d’un côté, puis de l’autre. Je voudrais parler, mais je ne puis, ma gorge est serrée. Je me rends compte que j’ai la main tétanique et que seul un changement de rythme respiratoire pourra me soulager. Je ralentis ma respiration et, peu à peu, ma crampe se relâche. Conscient, je n’avais qu’une seule peur, c’est qu’un fou furieux se précipite sur moi, car dans cet état j’étais incapable de réagir. Les crises de délire aigu se calment ; les cadavres sont de plus en plus nombreux. Par contre, combien meurent d’asphyxie et en hyperthermie… En face de moi, un jeune qui m’avait raconté au départ qu’il faisait partie des maquis de Haute-Savoie, me regarde fixement. Sa respiration est très lente. Je contemple ses pupilles qui sont très petites, en myosis et je me dis :
    — Pourquoi la droite se dilate-t-elle maintenant, alors que nous ne roulons pas et que l’éclairage reste le même ?
    La gauche s’agrandit à son tour. Les pupilles prennent presque tout l’iris, sa respiration s’arrête, il se plie en deux comme un ballon qui se dégonfle, tombe en avant et ne se relève plus ; je le secoue, il n’y a plus rien à faire, il est mort. Un de plus…
    Mais les scènes de délire agité reprennent : tout le wagon n’est plus qu’un cabanon rempli de fous qui s’étranglent, essayent de se pendre, se frappent à coups de bouteille, s’ouvrent les Veines, puis tombent épuisés, moribonds, sur ceux qui somnolent, les étouffent de leurs corps. Pour augmenter

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