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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’appel.
    — C’est cccviii Schelling, prêtre autrichien, responsable de la chapelle, doyen des ecclésiastiques, qui m’a prévenu que j’aurais à faire cet appel. Il ajoute qu’il était question de me faire passer interprète assermenté et que je devais bien faire attention car je serais observé à distance avec des jumelles pour voir si je ne recevais pas quelques objets de valeur ou souvenirs familiaux… Opération que j’avais largement réussie à l’appel du convoi précédent avec la complicité du docteur Roche qui circulait parmi les arrivés. J’étais seul désigné pour faire cet appel avec quelques interprètes secrétaires chargés de recueillir les renseignements individuels.
    — Sur la vaste cccix place d’appel, il y avait des tables installées et derrière celles-ci des secrétaires allemands ou polonais, déportés comme nous. J’avais été retenu pour ce travail car j’étais le seul de mon block de quarantaine à parler allemand. Je devais poser aux nouveaux arrivés les questions traditionnelles : Nom ? Prénom ? Date et lieu de naissance ? Marié ou célibataire ? Profession ? Personne à prévenir en cas d’accident (sic). Religion ? Adresse personnelle et, l’essentiel, nombre de dents en or ?
    — Les survivants cccx étaient rassemblés sur la place d’appel du côté « Plantage » et baraques de l’infirmerie. La dépression de la totalité des hommes de ce convoi, bien qu’ils n’aient guère pu se communiquer ce qui s’était passé dans leur wagon, faisait deviner à l’initié que j’étais, la terreur qui les avait saisis, le drame qu’ils avaient vécu en cours de route. Les SS, allant et venant, me recommandaient, à plusieurs reprises, de bien faire attention à la liste des noms « dont on avait un seul exemplaire » et sur laquelle je devais pointer les morts ; eux disaient les « manquants à l’appel ».
    *
    * *
    Quelques gouttes de pluie.
    Les rescapés du Train de la Mort, abandonnés sur cette place d’appel, se regroupent, se retrouvent.
    — Le jeune cccxi Jacques, âgé d’environ dix-neuf ans, pris comme otage à Tulle et qui avait été mon élève à l’École d’enfants de troupes d’Épinal, fuyait mon regard et avait l’air affolé. Je lui dis : « Regarde-moi ; qu’est-ce que tu as ? » Il me répondit : « J’ai tué un homme, un forcené qui fonçait sur moi… je lui ai fracassé le crâne à coups de bouteille. »
    L’abbé Fabing monte sur un tonneau et, événement sans doute unique dans toute l’histoire des camps de déportation, un sous-officier SS se place à ses côtés et l’abrite sous un grand parapluie noir. En réalité, le SS protège la liste unique… À une centaine de mètres du rassemblement, l’état-major SS du camp est en grande discussion. Le Sturmbannführer Weiter, en général si calme, semble furieux.
    Le sous-officier au parapluie demande à l’abbé Fabing de traduire :
    — Se mettre par colonne de cinq.
    — Faire silence.
    — Commencez l’appel.
    L’abbé Fabing hurle :
    — Abadie Maurice ?
    Silence.
    — Abadie Maurice ?
    Un murmure.
    — Plus fort !
    — Il est mort.
    — Abadie René ?
    — Présent.
    — Albagnac Gilbert ?
    — Présent.
    — Allalcouf Maurice ?
    — Présent.
    — Allègre Pierre ?
    — Mort pour la France.
    — Alliot Marcel.
    — Mort pour la France.
    — Amery Maurice ?
    — Mort pour la France.
    Au loin, le Sturmbannführer Weiter quitte ses officiers et se dirige vers son bureau. Un SS pénètre dans le carré des déportés et demande :
    — Dans un wagon, tous sont morts sauf un… Où est-il ?
    Le troisième déporté interrogé lui montre André Gonzalès.
    — Voulez-vous me suivre ?
    *
    * *
    À sa table, Jean Berthelemy interroge l’un des premiers appelés :
    — Lorsque cccxii je lui ai demandé sa religion, il m’a répondu : « Je suis Israélite. » J’étais vraiment embarrassé surtout qu’un sous-officier SS était à quelque distance. Je lui ai fait remarquer qu’il était préférable de choisir entre catholique et protestant. Mais il était catégorique et, me disait-il, ne voulait pas se renier. À cet instant, le SS est venu me dire de ne pas parler si longtemps avec les camarades et nous a lancé quelques coups. Pour notre défense, j’ai dit au SS que c’était un ami. Après cet interlude mouvementé, j’ai fait remarquer au camarade que cela était un petit

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