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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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surprenait en train de saboter le moral des ouvriers, me disait toujours : « Tu finiras à Dachau. » Eh bien ! C’est à Dachau que nous arrivons.
    *
    * *
    J’avais lu ccxcvii un article avant-guerre sur le camp ; aussi quand j’ai vu le nom de la gare, je me suis tourné vers Kienzler et je lui ai demandé s’il avait compris…
    À la descente du train nous tombons dans les bras l’unde l’autre avec M. Lassus alors professeur à Strasbourg où il commençait la série de ses chaires dramatiques. Il a occupé effectivement par la suite, celles de Saigon et d’Alger pour être nommé à la Sorbonne. Je ne sais pas ce qui lui rendit figure humaine à ce moment : ou l’air de Bavière ou de parler ensemble de ses jeunes enfants à qui j’avais donné quelques soins avant mon arrestation.
    *
    * *
    Les trois survivants du wagon métallique roulent sur le ballast :
    — Debout !
    André Gonzalès n’a pas de force. Sa tête tourne. Des millions de paillettes dansent au fond de ses yeux, derrière ses paupières gonflées.
    Il entend – il ne sait plus si c’est en français ou en allemand – quelqu’un dire :
    — Les trois sont morts.
    Une main, sur son épaule, une voix douce :
    — Allons petit ! Encore un effort ! Debout ! Je vais t’aider. Je suis l’abbé Goutaudier… nous avons parlé à Compiègne.
    — Monsieur l’Abbé…
    — Encore un petit effort.
    André Gonzalès titube, s’appuie sur le vieux prêtre boiteux.
    — Monsieur l’Abbé !… Les deux autres ? Nous étions trois survivants dans le wagon.
    — J’ai examiné les deux autres. Ils sont morts.
    — Mais ils étaient vivants quand les portes ont été ouvertes.
    — Ils sont morts. Allons viens !
4 DACHAU
    — Lentement ccxcviii ceux qui n’ont pas été délivrés de toute cette cruauté inutile et ne gisent pas à tout jamais, vont à pas lents en rang, vers un destin écrasant et sans espoir.
    Ce sont d’autres hommes qui marchent dans ce bourg de Dachau – inspectés avec hostilité par les habitants – que ceux qui montèrent dans le train trois jours avant.
    Ils savent maintenant qu’ils sont entrés dans le système, dans la machine qui les conduira d’humiliations en dégradations jusqu’aux réactions bestiales de l’instinct élémentaire.
    Certains comprennent alors en marchant pesamment sur cette route de Dachau qu’il ne leur reste déjà plus que l’âme pour se convaincre d’être encore des hommes.
    *
    * *
    Il est vrai ccxcix que nos allures étaient invraisemblables, nous ressemblions plus à des échappés de la cour des miracles qu’à des êtres humains. Nous étions une colonne de clochards sortis d’un hospice de l’épouvante, avec nos têtes en œufs de Pâques, nos faces hirsutes, sales, repoussantes, nos yeux rougis, nos regards perdus et nos pas saccadés d’automates déréglés.
    Ces riverains du boulevard conduisant à l’univers concentrationnaire avaient vraiment de quoi rire et se moquer, en voyant passer devant eux ces saltimbanques et bateleurs de la mort…
    Des gosses nous jetaient des pierres, nous criant des mots injurieux. Comme je me trouvais au bord de la colonne, j’en vis un tout jeune, six à huit ans, tout blond – tout rose – qui nous visait avec une petite fronde, son calot de la « Jeunesse hitlérienne » fièrement posé sur la tête.
    Les gardes SS très nombreux riaient également, s’esclaffaient en entendant les propos tenus par les civils, et je puis affirmer que je n’ai pas pu apercevoir le moindre regard compatissant de la part de cette masse d’Allemands qui nous contemplaient tout à loisir.
    *
    * *
    Devant ccc , ça « gaze » ; à l’arrière, un curé très âgé est mordu par les chiens. Pour que cesse le « cinéma », je le fais passer à ma place… et c’est moi qui hérite des crocs. J’active le pas. Des gosses nous lancent des pierres et l’un d’eux me gratifie d’un superbe crachat en pleine figure. Merci ! Ça ne marche plus, ça court… Le premier ralenti… À ma droite, une charcuterie. Une dame en noir, seule, debout, à la main un bouquet aux couleurs de notre France. Je n’en reviens pas.
    Deux camarades, derrière moi, ont vu eux aussi. Ils me disent : « Cette femme… c’est pas possible. »
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    * *
    — Nous avions ccci la tête enflée à ne pas nous reconnaître entre nous, nous avons vu dans le regard de certains civils qu’ils n’étaient pas très fiers et

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