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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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toi, le Ciel… ou quelque bon diable t’a envoyé à moi, tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes : aimons-nous !
    — Ici ? Dans cette loge avec six ou sept cents personnes à peine séparées de nous par un rideau ?
    Le regard qu’elle levait sur lui fut d’une désarmante candeur.
    — Pourquoi donc pas ? Cela se fait beaucoup, tu sais ? Es-tu donc devenu à ce point américain pour ignorer à quoi servent, plus souvent qu’à leur tour, ces confortables petits salons dans lesquels un bienfaiteur de l’humanité a eu le bon esprit de disposer un canapé et des coussins ?… Je peux te citer des précédents illustres. Tiens ! par exemple, c’est dans sa loge à l’Opéra que Julie de Lespinasse s’est donnée pour la première fois au comte de Guibert. Je me sens très Julie, ce soir et l’amour, surtout avec toi, est encore plus amusant que le Mariage de ce cher Beaumarchais.
    — Amusant ! grogna Gilles indigné. Vous avez de ces mots !
    — Ils ne te plaisent pas ? Alors passons aux actes…
    Elle y passait déjà. Prestement dénoués, les encombrants paniers de baleines légères habillées de volants de mousseline tombèrent sur le tapis tandis que l’immense robe retombait comme un rideau découragé.
    — Anne ! dit-il sévèrement. Cessez ce jeu ! J’ai à vous parler sérieusement. Ce que j’ai à dire est même très grave.
    Sans l’écouter elle alla s’allonger sur le canapé relevant coquettement le velours bleu de sa robe pour découvrir ses longues jambes gainées de soie de même nuance.
    — Tu as toujours une foule de choses sérieuses ou même graves à débattre avec moi, mon chéri. Et moi je pense que, plus les choses sont graves et plus on a besoin de les aborder avec un corps dispos et des idées claires. Les miennes ne le sont jamais quand j’ai envie de faire l’amour mais, après, elles deviennent étonnamment lumineuses. Allons, cesse de bouder et viens ! Ou alors dis-moi que tu n’en as pas envie… mais je te préviens tout de suite que je ne te croirai pas.
    Cette diablesse avait raison. Elle possédait une sorte de génie pour éveiller le désir. Cela tenait peut-être à son impudeur et à cette espèce de nymphomanie qui l’habitait mais avec elle le plaisir était une affaire d’autant plus sûre qu’elle éprouvait pour l’amour une vraie passion qu’elle ne cherchait nullement à dissimuler.
    Un instant plus tard Gilles nageant dans une mer de velours bleu et de linon blanc s’enfonçait avec délices dans la chair fondante de la jeune femme, ironiquement encouragé par les applaudissements frénétiques d’une salle qui saluait à cette minute l’entrée de Préville dans le rôle du juge Brid’oison…
     
     
    — Est-ce que, vraiment, nous n’aurions pas pu nous rejoindre ailleurs qu’ici ? bougonna-t-il tout en se battant, un peu plus tard, avec les lacets des paniers qu’il s’agissait de remettre à leur place. Chez toi, par exemple, après le théâtre ?
    Occupée à replacer les étoiles de diamant dans sa coiffure un peu dérangée, Anne lui sourit dans la glace.
    — Chez moi ? Impossible ! Satory est trop loin, la petite maison de Versailles aussi et ne parlons pas de notre cher rendez-vous de chasse…
    — Je pensais à ta maison de Paris.
    Elle lui dédia un coup d’œil mi-malicieux, mi-admiratif.
    — À deux pas du Luxembourg ? Peste !… tu es courageux ! Cela n’aurait rien d’impossible, d’ailleurs, en d’autres temps, mais, pour celui-ci il me faut garder, au moins vis-à-vis de mes gens, une certaine retenue, un certain décorum. Je suis veuve, mon cher…
    Sidéré, il considéra cette veuve couverte de diamants et de saphirs qui s’abandonnait si joyeusement aux plaisirs de l’amour dans une loge de théâtre.
    — Veuve ? souffla-t-il sans rien trouver d’autre.
    — Ou presque ! La maladie de ma mère n’était qu’un prétexte, fit-elle redevenue soudain sérieuse. En réalité, j’ai dû me rendre à Valenciennes pour en ramener mon mari. Voilà quelque temps qu’il avait disparu et l’on ne savait trop où il était quand, il y a une dizaine de jours, j’ai appris qu’on l’avait retrouvé là-bas dans une auberge, dépenaillé, sans un sou, servant de risée aux badauds de l’endroit qui l’ont livré à la police. Il n’avait plus qu’une vieille malle à peu près vide au fond de laquelle on a retrouvé quelques papiers qui ont servi à

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