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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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je te jure que j’ignorais tout de cette partie du complot, j’ignorais tout du rôle que ta Judith devait jouer et je te supplie de croire que, l’eussé-je appris, j’aurais tout fait pour empêcher cela. Tout, tu entends ?… même lui apprendre que tu étais vivant ! Vois-tu, je croyais bien connaître Louis-Xavier mais je m’aperçois qu’il s’en faut de beaucoup que j’aie pu le sonder jusqu’au fond de son insondable perfidie. Selon le zodiaque, il est Scorpion, et scorpion de la pire espèce, celle de la boue, des visqueuses ténèbres des profondeurs inconnues d’un monde dont l’Enfer est la lumière… mais je ne l’aurais tout de même pas cru capable de sacrifier froidement une innocente…
    — Moi, je le crois capable de tout et de pis encore ! coupa Gilles, impatienté. Au surplus, que tu l’aies su ou non ne m’importe plus. Ce qui compte, à présent, c’est ce que tu sais de la suite. Qu’as-tu vu à Brunoy ? Qu’est devenue Judith ? Vit-elle encore ou ce démon l’a-t-il supprimée ?
    Les yeux sombres d’Anne reflétèrent une sincère surprise.
    — Pourquoi l’aurait-il supprimée ?
    — Cela coule de source : pour l’empêcher de parler…
    — À qui ? Si cela était, Monsieur ne se serait pas donné tant de mal pour la faire enlever et la soustraire à la justice. Il suffisait de la faire abattre sur place… car crois-moi il y avait à Sainte-Assise du monde à lui. Mais, voyant le coup manqué, il a préféré la récupérer pour une circonstance meilleure. Avec sa haine et son désespoir, elle vaut son pesant de poudre à canon, ta Judith ! Elle fait songer à ces jeunes fanatiques, bourrés de haschisch, que le Vieux de la Montagne envoyait, jadis, jusqu’aux limites du monde connu pour y frapper ceux que son obscure justice avait condamnés. Elle est, pour la reine au moins, un danger permanent…
    — Alors, elle vit ?
    — Elle vit.
    — Tu l’as vue ?
    — Je l’ai vue quand on l’a ramenée. Ceux qui l’avaient arrêtée l’avaient un peu malmenée mais elle était toujours aussi droite, aussi froide, aussi insensible en apparence. En arrivant au château elle est montée droit dans sa chambre, sans voir personne, sans dire un seul mot, sans même paraître entendre ceux qui lui parlaient. Monsieur, alors, a ordonné qu’on la laisse reposer un moment.
    — Elle est toujours là-bas ?
    — À Brunoy ? Tu n’y penses pas ? La garder au château, si bien défendu qu’il soit, représenterait tout de même un trop grand risque. Tu as bien su retracer l’itinéraire de sa voiture, n’est-ce pas ? D’autres pouvaient le faire aussi et rien ne dit que Monsieur ne recevra pas, de la part de son royal frère, une visite domiciliaire, d’autant que la Montesson a fait remettre le fameux filet au lieutenant de police, avec mission d’en rechercher l’expéditeur… Non, le soir même, elle a quitté le domaine, dans une voiture discrète et bien fermée. Le comte de Modène l’accompagnait pour la conduire en lieu sûr.
    — Ce charlatan…
    — Eh oui, ce charlatan ! Même si cela ne te fait pas plaisir à entendre, tu dois savoir qu’il a, sur elle, une grande influence… très semblable à celle qu’avait naguère Cagliostro. Ta chère Judith montre décidément un goût prononcé pour les sorciers…
    — Où l’a-t-il emmenée ? Le sais-tu ?
    — Là où personne, hormis Madame quand son époux le lui ordonnera, ne pourra aller la chercher, ni même la voir : dans le couvent le mieux gardé de France : au carmel de Saint-Denis.
    Le carmel ! Le plus austère, le plus sévère de tous les monastères de femmes, celui dont les portes arrêtaient la justice du roi et les désirs des hommes, celui dont le voile noir, une fois les vœux prononcés, ensevelissait aussi sûrement que le tombeau ! L’image de Judith enfermée dans cette forteresse de la Foi serra le cœur du jeune homme.
    — Il n’est pas de couvent qui puisse garder une femme contre la volonté de son époux, dit-il. Judith est ma femme et je possède toutes les preuves de notre mariage… Il faudra bien qu’on me la rende.
    Mme de Balbi haussa ses jolies épaules dont le mouvement arracha des éclairs bleus à son collier.
    — On ne t’entendra même pas ! Celle que l’on y a accueillie, c’est Mlle de Latour, lectrice de Mme la comtesse de Provence, une pauvre enfant à l’esprit troublé, qui a le plus grand besoin de la paix

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