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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’identifier et ses épaulettes d’argent de colonel, sa seule fortune… alors qu’il est riche à millions. Je l’ai ramené avec moi… Il est dans un état à faire pitié, il divague à longueur de journée parlant sans cesse de Dieu et des importantes communications qu’il a quotidiennement avec Lui ou ses saints… Il ne cesse de prêcher tous nos laquais et nos servantes pour qu’ils entrent en religion… Dans huit jours, le conseil de famille doit se réunir pour décider de son sort. C’est… c’est une pitié ! Il n’a pas trente-trois ans…
    Sous son carcan de pierreries, la gorge délicate de la jeune femme laissa échapper un sanglot et, dans le miroir, Gilles vit des larmes perler à ses cils. Ému, il emprisonna doucement entre ses mains ses épaules rondes.
    — Tu l’aimais ? demanda-t-il contre son oreille.
    — Je crois que je l’ai aimé un temps. J’avais quinze ans quand je l’ai épousé, il en avait vingt-quatre. Il était colonel de Bourbon-Infanterie et il était très beau dans son uniforme. Je crois… oui… je crois que je l’ai aimé… peut-être parce que je n’en connaissais pas d’autres. Et puis, nous sommes allés chacun vers son destin. Je ne l’intéressais guère, je crois. D’autres hommes sont venus… et puis Monsieur…
    Il y eut un silence, très court : Anne de Balbi n’était pas de celles qui laissent longtemps peser sur elle l’emprise des souvenirs quels qu’ils puissent être. Elle redressa soudain la tête, s’écarta de Gilles et alla jusqu’à une petite console dorée sur laquelle étaient disposés des verres, des gâteaux et un flacon de vin d’Espagne. Elle s’en versa un verre qu’elle avala d’un trait…
    — Tu en veux ?
    — Non, merci…
    Il hésitait, à présent, à entamer l’interrogatoire qu’il avait préparé. Habitué à voir, en cette jeune femme, un être pervers, sensuel, égoïste et passablement dépravé, il s’étonnait de découvrir, sous cette ravissante carapace, quelque chose qui ressemblait à une souffrance. C’était la seconde fois qu’elle lui laissait sentir qu’elle pouvait être humaine, autant que n’importe quelle autre femme, autant que Judith dont, en dépit des apparences, elle était à peine l’aînée. Elle aurait pu, peut-être, être heureuse : riche, belle, jeune, de grande famille, mariée à un homme dont elle disait elle-même qu’elle l’avait aimé. Qu’est-ce donc qui était venu jeter le sable mortel dans les rouages d’or de cette existence… sinon l’homme qui, dans l’ombre, s’essayait à pourrir un royaume ? Était-il donc écrit que derrière tous les drames, toutes les détresses il retrouverait toujours le comte de Provence ?
    La voix d’Anne le tira de son amère méditation.
    — À présent, dit-elle de son ton habituel, si tu me disais ces choses graves dont tu désirais parler. Nous voilà en plein roman conjugal et je pense que nous allons y rester. C’est de ta femme, n’est-ce pas, que tu voulais me parler ?
    — Comment l’as-tu deviné ?
    Elle eut un mouvement d’épaules désenchanté et lui sourit, d’un curieux sourire triste qu’il ne lui connaissait pas.
    — Pour que tu me cherches avec cette insistance, il fallait que tu sois en peine d’elle une fois encore. Je me trompe ?
    — Non, je la cherche et…
    — Laisse-moi parler, car je ne veux plus qu’il y ait d’ambiguïtés entre nous, plus jamais ! Et, en repassant par Brunoy, après t’avoir quitté, j’ai appris ce qui s’était passé à Sainte-Assise, j’ai appris… qui avait été chargé de l’attentat. Je me suis doutée alors que, tôt ou tard, tu m’en demanderais compte, sans que je puisse, hélas ! te le reprocher. Mais, vois-tu, c’est la raison profonde pour laquelle j’ai tenu à commencer notre conversation… comme nous venons de le faire. Non, non, ne dis rien encore…, ajouta-t-elle en posant vivement sa main sur les lèvres du jeune homme, tu es venu me demander de parler, je parlerai donc autant que j’en aurai envie. T’appartenir ici, sur l’heure, avant même que tu aies pu ouvrir la bouche, c’était pour moi comme un défi à la fois à moi-même et à toi. Il fallait que je me prouve que je gardais quelque puissance sur toi et que je te prouve, à toi, que nos deux corps pouvaient, toujours et en n’importe quelle circonstance, se retrouver d’accord. À présent, j’ai à te dire ceci : sur le salut de mon âme,

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