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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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environ trois heures et demie et le jour ne s’annonçait pas encore lorsque Pierre-Augustin de Beaumarchais et son ami « John Vaughan » sortirent de l’hôtel des ambassadeurs de Hollande en prenant toutes sortes de précautions pour ne pas faire de bruit. On avait bien banqueté une partie de la nuit, bavardé durant une autre partie mais Thérèse, fatiguée, s’était retirée dans sa chambre vers minuit et, depuis qu’il l’avait épousée devant Dieu et devant les hommes deux mois et demi plus tôt, Pierre-Augustin prenait avec elle une foule de précautions et lui montrait des attentions un peu enfantines mais touchantes.
    La porte refermée, les deux hommes partirent à pied pour gagner le palais de justice, assez tôt pour espérer trouver de bonnes places dans la salle d’audience.
    C’était, en effet, aujourd’hui, vendredi 31 mai 1786, qu’à l’issue de la dernière audience, devait être rendu par les deux Chambres du Parlement le verdict du fameux procès du Collier dont les péripéties bouleversaient et passionnaient, depuis plusieurs mois, la France et une partie de l’Europe.
    Quand, le 15 août 1785, le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, avait été arrêté à Versailles, en pleine Galerie des Glaces et avec un éclat scandaleux au moment précis où, sous les grands ornements sacerdotaux, il allait célébrer la messe de l’Assomption dans la chapelle du château et renouveler le vœu solennel du roi Louis XIII offrant la France à la Vierge Marie, une sorte de stupeur s’était emparée du royaume tout entier.
    C’était comme si des grondements sourds s’étaient fait soudain entendre sous les nobles perspectives du plus beau palais du monde, annonçant le réveil prochain de quelque monstre ignoré parce que assoupi depuis trop longtemps. Et un peu partout, dans les profondeurs obscures de Paris, surtout, où grouillait un peuple griffu de pamphlétaires et de gratte-papier faméliques, le volcan encore somnolent produisait des failles par où s’échappaient d’étranges puanteurs et des clapotis visqueux. Refroidi, tout cela donnerait un lac de boue dont les vagues s’en viendraient battre les marches du trône et lentement, lentement, à la manière d’un marais mortel, en graviraient les degrés jusqu’à l’engloutissement final…
    Tout en accordant son pas à celui, un peu plus lent, de son ami et en se dirigeant vers la place de Grève, Gilles entreprit de rappeler à sa mémoire l’enchaînement incroyable de cette délirante histoire à laquelle il s’était trouvé mêlé plus qu’il ne l’aurait souhaité.
    Les faits historiques en étaient les suivants : une jolie femme aussi cupide qu’impécunieuse, Jeanne de Saint-Rémy de Valois, descendante en ligne bâtarde du roi de France Henri II et de Nicole de Savigny, mariée à un gendarme aussi peu fortuné qu’elle-même, Marc-Antoine de La Motte qui s’était intronisé comte de sa propre autorité, avait réussi à prendre dans ses filets le cardinal-prince de Rohan, ancien ambassadeur de France à Vienne, prélat fastueux et galant s’il en fût, et qui passait pour l’un des hommes les plus riches de France.
    Tenu alors en disgrâce quasi totale par la reine Marie-Antoinette qui avait embrassé les inimitiés de sa mère l’impératrice Marie-Thérèse, Rohan s’en désespérait car il était tombé, depuis longtemps, amoureux de sa jeune souveraine auprès de laquelle il brûlait de jouer le rôle capital d’un ministre aimé donc tout-puissant. Aussi avait-il vu en Jeanne de La Motte-Valois le génie bienfaisant et sauveur qu’il n’osait plus espérer. Ne lui avait-elle pas dit que la reine, sa « cousine », la recevait avec faveur, encore que secrètement, et qu’elle-même possédait les moyens, non seulement de plaider sa cause, mais encore de le faire rentrer en grâce d’éclatante façon ?
    Le destin alors servit l’aventurière. Sous les galeries du Palais-Royal, rendez-vous des filles galantes de Paris, le « comte » de la Motte rencontra une jeune prostituée, Nicole Legay, dite Oliva, qui présentait avec la reine une ressemblance certaine. Les deux époux engagèrent alors la jeune femme et, à la faveur de l’obscurité, l’introduisirent, vêtue d’une robe copiée sur l’une de celles de la reine, dans le bosquet de Vénus à Versailles et la mirent en présence du cardinal qui, trompé par la nuit, ne douta pas un instant qu’elle ne fût la

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