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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sortir précipitamment son mouchoir.
    Beaumarchais se mit à rire, souleva tranquillement un petit couvercle dans le pommeau d’or de sa canne et se mit à humer le parfum qu’il contenait.
    — Cela fait partie des joies de ces promenades à pied que vous appréciez tant, mon ami, dit-il.
    — Mais cela vient d’où ? Des Halles ?
    — De ça !
    Sortant de la rue des Arcis et se dirigeant vers le pont Notre-Dame, trois tombereaux venaient d’apparaître, tirés par de gros chevaux de labour. À la lumière fumeuse des torches que portaient des hommes en sarraus de toile dont le visage était en partie masqué de chiffons, on pouvait voir les draps mortuaires, noirs barrés de croix blanches qui recouvraient le contenu, bizarrement bossué de ces tombereaux. Un prêtre en surplis et un acolyte armé d’un encensoir suivaient chacun des véhicules que Tournemine considéra avec dégoût.
    — Qu’est-ce que cela ?…
    — Les anciens habitants du cimetière des Innocents ! Ce que c’est, soupira Pierre-Augustin, que d’habiter les beaux quartiers et de ne jamais mettre les pieds, ou peu s’en faut, de ce côté-ci de la Seine ! Sans cela vous sauriez que le lieutenant de police et le prévôt de Paris ont décidé enfin ! la suppression de cet énorme pourrissoir où l’on a entassé quelque quarante générations de Parisiens et que, depuis le 7 avril, on défonce chaque nuit les monceaux de cadavres dont la hauteur avait fini par dépasser le mur d’enceinte du cimetière pour leur faire traverser la Seine.
    — Et pour aller où ?
    — Dans les anciennes carrières de la Tombe-Issoire 2 où on les déverse dans un grand puits de service. Je crains que nous n’en ayons pas fini de sitôt. Dans les débuts de l’opération c’était supportable mais, avec la chaleur qui vient, nous serons empuantis jusqu’à la Bastille au moins. Cet été, il va falloir que j’envoie Thérèse et Eugénie à la campagne.
    — Que va-t-on faire, à la place du cimetière ?
    — Un marché aux herbes et aux légumes ! Une excellente chose, croyez-en un homme qui a passé toute son enfance et son adolescence rue Saint-Denis, à deux pas des Innocents ! Ce n’était pas un voisinage agréable…
    Tout en parlant, les deux hommes s’étaient engagés, à la suite des tombereaux, entre la double file de maisons vétustes et branlantes qui bordaient le pont Notre-Dame. Le Pont-au-Change, qui arrivait droit sur le palais de justice et qu’ils auraient dû emprunter était alors aux mains des démolisseurs qui abattaient ses antiques échoppes de changeurs et ses vieilles masures. La nuit commençait à céder et dessinait un bizarre paysage lunaire fait d’une chaîne de décombres blanchâtres amassés sur les grandes arches de bois plantées dans la Seine.
    — Paris fait peau neuve ! remarqua Beaumarchais avec satisfaction. L’an prochain c’est ce pont-là que l’on nettoyera. Seule, la pompe qui est en son milieu subsistera. Vous savez, Gilles, nous avons un très bon roi, trop bon même. Cela lui nuit, d’autant qu’il est mal marié et qu’il lui manque la rude poigne des vieux Capétiens. Ah ! s’il l’avait, nous connaîtrions l’âge d’or.
    — Vous avez écrit le Mariage de Figaro et vous me dites aimer le roi ? Votre pièce, mon ami, est un brûlot, une charge de poudre…
    — Contre la noblesse et ses privilèges… mais pas contre le roi ! Qu’il ait auprès de lui un Richelieu capable d’abattre sans sourciller la tête d’un Montmorency et j’applaudirais des deux mains. Seigneur ! Vous aviez raison ! Il y a un monde fou et je vois là des voitures qui rebroussent chemin. Nous n’atteindrons jamais le palais.
    En effet, une foule, qui se gonflait d’instant en instant, se dirigeait au pas de course vers le palais. Les rues de la Cité, les quais et les grèves étaient noirs de monde. Il y en avait partout en dépit du guet, à pied et à cheval, qui s’efforçait de canaliser l’invasion.
    — Il faut foncer ! dit Gilles. Donnez-moi le sauf-conduit que vous a remis le procureur et suivez-moi !
    Avec énergie, il entreprit de tracer, dans la foule, un passage pour lui et son compagnon. Sa haute taille lui permettant de dominer la majorité des têtes lui avait permis aussi de repérer un sergent du guet qui, en mettant son cheval en travers de la rue Gervais-Laurent, avait établi une sorte d’écluse grâce à laquelle il filtrait, le plus

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