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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arbitrairement du monde d’ailleurs, ceux qui tentaient d’atteindre les grilles du palais par ce canal. Au bout de son long bras, Gilles agita le billet signé du procureur.
    — Faites-nous passer, sergent ! cria-t-il. Place ! Place à M. de Beaumarchais !
    C’était, peut-être, à l’époque, le nom le plus connu de tout Paris. Les grognements des gens que Gilles bousculait sans vergogne se muèrent en un murmuré flatteur et déférent. On se poussa pour faire place au grand homme et à son compagnon et, sans trop savoir comment, Pierre-Augustin, rouge d’orgueil et de chaleur, se retrouva, après une poussée violente, de l’autre côté des grilles auxquelles s’accrochaient déjà des grappes de curieux.
    En effet, à l’exception du cardinal de Rohan, les accusés avaient été transférés à la Conciergerie en vue de cette dernière audience et la curiosité populaire était à son comble. On pouvait entendre flotter, sur la foule, l’écho des chansons, ces typiques expressions de la rue parisienne, que le long procès avait fait naître.
    Oliva dit qu’il (le cardinal) est dindon
    Lamotte dit qu’il est fripon
    Lui-même dit qu’il est bêta
    Alleluia  !
    Notre Saint-Père l’a rougi
    Le roi de France l’a noirci
    Le Parlement le blanchira
    Alleluia
    Ou encore, et celle-là était infiniment plus cruelle pour la reine :
    — Vile donzelle, il te sied bien
    De jouer mon rôle de reine !
    — Point de courroux, ma souveraine,
    Vous faites si souvent le mien !…
    Le premier rayon du jour éclairait la façade toute neuve du Palais, où subsistaient encore quelques échafaudages quand Beaumarchais et Gilles, pratiquement portés par le flot, gravirent le grand escalier aux marches blanches et se retrouvèrent dans la Grand-Salle 3 . Il s’agissait à présent de gagner la Grand-Chambre du Parlement qui s’étendait au-dessus des salles des gardes.
    Son accès présentait un nouveau problème. Pour cette audience capitale, on entrait seulement sur autorisation mais, apparemment, il y avait beaucoup d’autorisations, chacun des membres du tribunal ayant tenu à honneur d’en distribuer un maximum à ses amis et connaissances pour mieux faire étalage de son importance. Les huissiers, débordés, avaient fort à faire pour éviter non seulement les bousculades mais aussi les bagarres, les femmes étant les plus redoutables car elles savaient à merveille jouer de leurs talons pointus sur les orteils masculins. Mais Gilles et Beaumarchais en avaient vu d’autres et leurs propres armes jouèrent leur rôle à leur entière satisfaction. Ils se retrouvèrent bientôt, sous le coup de cinq heures, sous les dorures somptueuses du magnifique plafond à caissons décoré au XVI e siècle par le moine italien Giovanni Giocondo.
    — Enfin nous y voilà ! soupira Pierre-Augustin en prenant possession de deux sièges situés assez près de la porte par laquelle, tout à l’heure, arriverait le tribunal. Il nous faut à présent prendre patience. Nous en avons encore pour une heure. Faut-il être curieux pour se lever si tôt ! Je regrette mon lit…
    — Allons, vous le retrouverez. Mais vous ne retrouverez jamais la possibilité d’assister au dénouement d’une pareille aventure. C’est une aubaine pour un dramaturge, il me semble ?
    — Il vous semble juste. Cela m’intéresse mais j’ai aussi une autre raison et cette raison c’est vous. La fin de ce procès est lourde de signification pour vous. À présent que tout va s’achever le roi vous permettra sans doute de reprendre votre nom, votre véritable personnalité et votre place aux gardes du corps. On trouvera une belle histoire pour expliquer votre résurrection et vous deviendrez la coqueluche des dames…
    — Croyez-vous aussi que je serai aussi celle de Monsieur ? Il cherchera à savoir comment et pourquoi je suis encore en vie et, s’il trouve, cela ne fera qu’augmenter ses mauvais sentiments envers le roi. Même si ce procès, qui l’intéresse énormément, lui donne satisfaction, c’est-à-dire si le Parlement refuse de juger comme le veulent le roi et la reine, il n’en sera peut-être que plus à craindre. Je pense qu’il vaut mieux attendre encore et voir comment tourneront les choses. Et puis… je ne suis pas certain d’avoir envie de retourner vivre à Versailles et de reprendre le harnais. Voyez-vous, depuis que j’ai assumé le personnage de John Vaughan, j’en suis venu à penser que

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