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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Rohan ! murmura quelqu’un.
    C’étaient, en effet, les Rohan : princes, princesses, un maréchal de France et même un archevêque, qui s’en venaient, par leur présence, soutenir celui des leurs, le Grand Aumônier de France, qu’une bande de robins allait juger de par la volonté royale. Calmement, au seul bruissement des longues robes de soie noire, ceux qui, tous, portaient sur leurs armes la fière devise « roi ne puis, prince ne daigne, Rohan suis !… » vinrent se ranger comme ils l’auraient fait à la Cour, de chaque côté du passage par lequel allaient entrer les juges et ne bougèrent plus, attendant, très droits et impassibles, que viennent ceux dont dépendait désormais l’honneur de leur antique maison.
    Soudain, comme l’horloge du palais sonnait six heures, ils apparurent, longue file rouge et noire sur laquelle neigeaient l’hermine des collets et la poudre des hautes perruques à la mode du Grand Siècle. Alors, comme sur un mot d’ordre muet, les Rohan d’un seul mouvement s’inclinèrent, plongèrent en une muette révérence devant ces hommes dont le plus noble n’atteignait pas au quart de leur grandeur mais qui tenaient entre leurs mains l’avenir d’une des plus hautes familles d’Europe.
    — Impressionnant ! murmura Beaumarchais. Les juges ne peuvent pas ne pas être touchés…
    Gilles, pour sa part, éprouvait une sorte de colère mêlée de honte. Son sang breton renâclait au spectacle de l’humiliation que s’imposaient ces princes qui étaient les siens, les plus nobles qu’ait jamais connu la Bretagne. Mais déjà, après leur avoir rendu leur salut, le président d’Aligre avait pris sa place et déclaré ouverte cette dernière audience. Elle allait commencer par un dernier interrogatoire des prisonniers 4 .
    Au milieu du prétoire on avait disposé un petit siège bas, en bois brut, sur lequel devaient prendre place les accusés. C’était déjà une marque d’infamie que s’y asseoir car il avait servi à nombre de criminels qui ne l’avaient quitté que pour l’échafaud. On l’appelait la Sellette.
    Le premier qui parut fut le secrétaire-amant de Mme de La Motte, le fameux Reteau de Villette avec lequel Tournemine avait eu plus d’une fois maille à partir. Toujours aussi élégamment vêtu, il fut égal à lui-même : faux, retors et infâme. Alors que les fameuses lettres de la reine au cardinal étaient toutes sorties de sa plume de faussaire il consentit seulement à reconnaître avoir apposé, sur le contrat d’achat du collier, le mot « Approuvé » à plusieurs reprises et la signature « Marie-Antoinette de France » qui était d’ailleurs un faux criant, la reine étant d’Autriche et ne signant jamais autrement que « Marie-Antoinette ». Après quoi il se lança dans une longue et filandreuse diatribe contre le cardinal qu’il chargea odieusement tout en pleurant comme une fontaine…
    — Si cet homme n’est pas pendu ou condamné aux galères à perpétuité, je le tuerai ! gronda Gilles hors de lui.
    — Ne rêvez pas ! fit Pierre-Augustin. Il sera l’un ou l’autre. Auteur de faux écrits de la reine il mérite au moins ça !… Mais chut ! Voici l’héroïne.
    En effet, Jeanne de La Motte venait de succéder à Reteau et un murmure courut parmi les femmes de l’assistance. Vêtue avec une grande élégance d’une robe de satin gris-bleu bordée de velours noir avec une ceinture brodée de perles d’acier et un mantelet de mousseline orné de fort belles dentelles de Malines, elle portait avec assurance un grand chapeau de velours noir garni de dentelles noires et de nœuds de ruban sur la masse parfaitement coiffée de ses cheveux bruns légèrement poudrés.
    La ressemblance de cette femme avec Judith parut à Tournemine plus évidente que jamais et lui serra le cœur. Il ferma les yeux pour ne plus la voir se contentant de l’entendre, ce qui était déjà bien suffisant car, d’entrée et d’une voix claironnante, elle commença par annoncer qu’elle était là pour confondre un grand fripon et que ce fripon était le cardinal. Interrogée par l’abbé Sabatier, l’un des conseillers-clercs, elle répondit avec une rare impudence, réclamant que l’on produisît les lettres et les écrits qui, selon elle, établissaient de façon certaine les relations intimes entre la reine et le cardinal, ce qui était impossible, le cardinal ayant, dès l’instant de son arrestation, fait détruire

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