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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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à conclure que cela tenait à ce qu’il n’aimait pas la reine comme il aimait le roi, qu’il lui gardait rancune de tenir Judith en prison, même si c’était dans les meilleures intentions du monde. Qui donc pouvait, mieux que lui-même, savoir où résidait son bonheur ? Et de quel droit laissait-elle l’épouse de Gilles continuer à se croire veuve… alors que sa conduite, à elle, n’apparaissait pas des plus pures ? Il y avait plusieurs mois, déjà, que l’on avait proclamé que Marie-Antoinette était enceinte une nouvelle fois, que l’enfant attendu naîtrait aux environs de la mi-juillet… exactement neuf mois après le voyage à Fontainebleau… Aussi, depuis deux jours, Gilles caressait-il le projet de se rendre à Versailles, d’y demander audience à la souveraine et de réclamer hautement son épouse et le droit de l’emmener avec lui outre-mer.
    Peut-être essuierait-il un refus. En ce cas, l’idée d’un coup de force contre le couvent n’était pas pour lui déplaire. Même si l’on lançait à ses trousses toute la maréchaussée du royaume, il savait que la lutte lui serait facile tant il se sentait habité par la passion de la liberté, dût-elle même devenir éternelle. Mourir en tenant dans sa main celle de Judith, ce serait peut-être encore le plus merveilleux des bonheurs… Ce serait, en tout cas, la fin de toutes leurs tribulations…
    Il en était là de ses songeries quand une main, frappant sur son épaule, le ramena si brutalement sur terre qu’il faillit renverser le verre d’eau-de-vie de pêche qu’il réchauffait dans sa main et qu’il contemplait depuis un moment sans même s’en rendre compte.
    — À quoi pensez-vous donc, Vaughan ? fit la voix joyeuse de Samuel Blackden, son voisin immédiat. Dieu me pardonne, vous regardez votre verre d’un œil si sévère et si menaçant qu’on pourrait supposer qu’il vous a fait quelque chose et que vous lui en voulez… ou alors vous dormez !
    Voyant tous les regards fixés sur lui, Gilles reposa le verre, essuya calmement les quelques gouttes d’alcool qui avaient coulé sur sa main et sourit.
    — Excusez-moi ! Je n’ai rien contre cette eau-de-vie qui est parfaite et je vous assure que je ne dormais pas. Mais je crois bien que je rêvais tout de même…
    Blackden rit de plus belle.
    — Eh bien !… Celle qui vous envoie ainsi dans la lune doit être une vraie sirène car l’amiral vous a, par deux fois, posé la même question et vous n’en avez rien entendu…
    — Laissez-le donc tranquille, Blackden ! interrompit Paul-Jones avec bonne humeur. En ce qui me concerne, je n’aime pas que l’on interrompe mes rêves. Ils vous emportent si loin parfois…
    — Je n’en suis pas moins désolé, dit Gilles. Que disiez-vous, amiral ?
    — Je vous demandais seulement si vous n’aviez pas envie de profiter de mon bateau pour aller voir votre pays. Mon fidèle Bonhomme Richard m’attend à Brest et je pars demain pour le rejoindre afin d’aller passer quelques mois en Virginie, chez mon père adoptif. J’aimerais vous montrer la Virginie qui est une terre magnifique. Et puis, vous pourriez en profiter pour remonter jusqu’à Providence afin d’entrer en possession de vos biens…
    Le sourire de Gilles s’accentua. La proposition du marin était séduisante. Elle venait, en outre, comme une réponse aux questions qu’il se posait depuis deux jours. Mais le départ était trop proche pour lui laisser le temps de reprendre Judith. Et puis, au fond de lui-même, il n’aimait guère l’idée de Tim d’aller revendiquer l’héritage de John Vaughan. C’était une chose qu’emprunter le nom d’un vieux marin mort sans descendance et c’en était une autre que s’installer dans ses meubles. Mais tout cela était impossible à invoquer comme excuse…
    — Je partirais volontiers avec vous, amiral, répondit-il, car je ne saurais avoir meilleur guide ni plus glorieux introducteur, mais j’ai encore bien des affaires à régler ici, ne fut-ce que celle de l’assurance de la Susquehanna aux Lloyd’s de Londres. Cet argent pourrait me permettre d’acheter un navire à réparer… ou même d’en construire un autre, ainsi que ne cesse de me le prêcher notre ami Appleton ici présent.
    — Appleton prêche pour son saint, intervint Jefferson, et surtout pour son chantier naval de Calais. Attendez donc un peu, John, avant de vous lancer dans cette aventure : un navire coûte cher et

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