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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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architecture moderne de Paris : les pavillons que M. Ledoux construit aux barrières pour abriter l’octroi, ainsi que vous pouvez en admirer de ces fenêtres. Il y a aussi, tout près d’ici, l’église neuve de Saint-Philippe-du-Roule et les superbes écuries que Monseigneur le comte d’Artois a fait construire au coin de notre rue Neuve-de-Berri et du faubourg Saint-Honoré. Et puis l’admirable hôtel du prince de Salut dont les jardins descendent jusqu’à la Seine 2 …
    Quand Jefferson était lancé sur son sujet préféré il était pratiquement impossible de l’arrêter. Il devenait une sorte de fleuve à la fois lyrique et majestueux. Gilles cessa d’écouter pour se plonger dans ses propres pensées. Il n’aimait, en effet, ni l’architecture ni les plantes potagères et si, jusqu’à présent, il avait tant aimé venir chez le ministre des États-Unis, c’était surtout parce qu’il s’y était forgé, petit à petit, cette personnalité américaine dans laquelle il se sentait chaque jour un peu plus à l’aise, un peu mieux adapté. C’était d’ailleurs ce qu’avait voulu Tim, reparti au pays depuis quatre mois déjà et qui, au moment du départ, lui avait dit en l’embrassant :
    — La maison de M. Jefferson, c’est un vrai petit coin de Virginie implanté dans Paris. Tu pourras y apprendre à devenir un vrai citoyen des États-Unis, ce qui sera bien utile si tu décidais un jour de le devenir pour de bon et de venir à Providence recueillir l’héritage du vieux John Vaughan…
    L’idée, sur le moment, lui était apparue séduisante et, souvent, il s’y était attardé, laissant son esprit vagabonder sur les traces légères d’un petit garçon blond que l’on élevait quelque part en pays mohawk, sous les peaux tannées d’une hutte iroquoise, un petit garçon dont il savait bien qu’un jour il ne pourrait plus résister à l’envie de le retrouver. Mais il savait aussi qu’il ne quitterait jamais la France tant que Judith demeurerait captive du carmel de Saint-Denis.
    Plus d’une fois, au cours de cet hiver, il avait guidé les pas de Merlin jusqu’en vue du grand portail du couvent et il était resté là de longs moments, à contempler ces murailles muettes comme si, par la seule vertu de sa volonté et de son profond désir, il avait espéré les voir s’écrouler comme les murs de Jéricho à l’appel des trompettes d’Aaron… Mais rien ne bougeait jamais. Saint-Denis demeurait Saint-Denis comme devant et Gilles revenait alors chaque fois plus amer, et s’en venait demander à Mme de Balbi de l’aider à oublier un moment ce tourment que la reine semblait prendre plaisir à prolonger.
    Tourment d’autant plus cruel que le faux John Vaughan n’avait rien d’autre à faire que mener une élégante existence d’oisif. Depuis l’affaire de Seine-Port, pas une seule fois le roi ne lui avait fait signe, pas une seule fois il n’avait eu besoin de lui. C’était au point que parfois il se demandait si, à Versailles, on ne l’avait pas totalement oublié…
    Cela représentait, dans son existence, un vide de plusieurs mois, peuplé de quelques nouvelles : la mort, en novembre, du gros duc Louis-Philippe d’Orléans qui s’en était venu dormir son dernier sommeil dans la petite église de Sainte-Assise tandis que la Montesson, sa veuve, entrait dans un couvent élégant pour y prendre un deuil de princesse. Il y avait eu aussi, en janvier, le mariage de l’ambassadeur de Suède, le baron de Stael-Holstein, avec l’étrange Germaine Necker, un bas-bleu aux yeux de flammes qui avait, pour une jeune fille, une bien curieuse manière de dévisager les hommes. Les noces avaient fait retentir la paisible rue du Bac de leur faste et Gilles, traîné par Fersen, qui était témoin après avoir bien failli épouser lui-même la jeune Germaine, y avait assisté et s’y était fort ennuyé car la tribu Necker lui avait paru indigeste. Et puis, bien sûr, il y avait eu, en mars, le mariage de Pierre-Augustin et de Thérèse et, se souvenant du visage illuminé de bonheur de son amie, Gilles avait pensé que cela avait été, pour lui, le seul bon moment de ces six derniers mois.
    À présent, et depuis la conclusion du procès du Collier, l’envie de franchir l’Atlantique lui était revenue, sournoise mais plus insistante que jamais. Le jugement lui laissait un goût amer de dérision et un bizarre contentement. À mieux l’examiner, il en était venu

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