Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
Short, son maître d’hôtel français et son cuisinier mulâtre, Thomas Jefferson s’était appliqué à donner un cachet très virginien à cette aimable demeure aménagée naguère pour les coquetteries d’une Célimène. Ainsi, dans la salle à manger, des panneaux de velours vert alternaient avec de blanches boiseries au dessin net d’où s’élevaient, sur des consoles, des bustes sévères d’hommes d’État. Ainsi, dans le grand jardin, dont Jefferson s’occupait avec des soins d’amoureux, une plantation d’un superbe maïs, cet « Indian Corn » provenant en droite ligne d’un village d’Indiens Cherokees dont ne pouvait se passer l’ordinaire d’un Virginien de bonne souche, avait remplacé l’un des parterres de fleurs.
    Il avait d’ailleurs, le maïs « du jardin », figuré en bonne place au menu offert aux convives de ce soir. On l’avait servi « on the cob », sur l’épi, avec du beurre et du sirop après l’avoir cuit dans l’eau bouillante. Avec lui, l’admirable jambon de Virginie « honey cured and hickory smoked » 1 était apparu flanqué de sa sauce faite de miel et de jus d’orange, et aussi le poulet frit à la manière du Maryland. Un énorme gâteau « Angel Food », luisant comme un glacis sous une épaisse carapace de sucre et enguirlandé de crème fouettée constituait le dessert que venaient d’apporter gravement les valets orchestrés par M. Petit, l’imposant maître d’hôtel du ministre plénipotentiaire.
    Chacun ayant englouti en silence une part imposante de ce monument fourré de fruits frais, le bien-être et l’aimable décontraction qu’engendre la bonne chair s’emparaient des convives avec un brin de laisser-aller. C’était l’heure où allaient apparaître le café, les cigares et le « punch » traditionnel et chacun s’apprêtait à leur faire l’accueil convenable.
    Autour de la table luisante de belle argenterie, fleurie de roses et illuminée par plusieurs bouquets de bougies, sept hommes avaient pris place autour du ministre, sept Américains et c’était ce qui expliquait ce menu typiquement national donné en l’honneur de l’un d’eux.
    Le héros de ce « dîner de famille » comme Jefferson aimait à en donner était un jeune homme de trente ans, le colonel John Trumbull, fils d’un gourverneur du Connecticut, qui venait d’arriver de Londres où le ministre l’avait rencontré trois mois plus tôt. Mais ce n’était pas pour ses exploits guerriers que ce jeune ancien combattant de la guerre d’Indépendance avait attiré la sympathie de Jefferson mais bien pour son réel talent de peintre. Aimable, cultivé, John Trumbull, qui avait pris ses grades universitaires à Harvard et qui, durant une année, avait été, à Londres, l’élève du peintre Benjamin West, venait d’accepter l’invitation de Jefferson à séjourner autant qu’il lui plairait à l’hôtel de Langeac afin de connaître les merveilles artistiques de la France, de visiter les collections du Louvre et aussi le Salon qui avait lieu chaque année à Paris.
    Autour de lui, ce soir, le ministre américain avait réuni plusieurs de ses compatriotes, vrais ou supposés tels, auxquels il portait de l’intérêt pour une raison ou pour une autre. Il y avait là celui que l’on surnommait « le tigre des mers », l’amiral John Paul-Jones, petit homme roux comme une carotte pourvu de bras interminables mais doué d’une force prodigieuse, en dépit d’une apparente fragilité, et d’un charme auquel peu de femmes résistaient car il résidait surtout dans l’ironie de son sourire et l’éclat froid de ses yeux gris. Il était, avec Jefferson lui-même, l’un des vétérans de l’assemblée car il approchait la quarantaine.
    Lui n’habitait pas la légation. En revanche, le colonel David Humphrey, trente-cinq ans, ancien aide de camp du général Washington et secrétaire de la commission américaine chargée d’établir des traités de commerce avec les nations européennes, y tenait ses quartiers, de même que William Short, vingt-six ans, secrétaire de Jefferson qui était le mondain de la légation, affichait un goût prononcé pour la vie parisienne… et cachait soigneusement la passion dévorante qu’il éprouvait pour la jeune et ravissante duchesse de La Rochefoucauld.
    Deux commerçants, John Appleton, marchand, marin et constructeur de navires à Calais, et Samuel Blackden, ami personnel de Paul-Jones et tout

Weitere Kostenlose Bücher