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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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valable ne m’attache à elle car, au jour de notre mariage, je lui ai juré aide et protection. Je ne faillirai pas à ce serment, même si c’est contre elle-même que je dois la protéger.
    Fersen hocha la tête et sourit avec quelque mélancolie.
    — Tu l’aimes toujours, n’est-ce pas ? C’est aussi simple que ça…
    — Sincèrement je ne sais pas… J’ai souffert de ce que j’ai vu cette nuit, j’en souffre encore mais moins pourtant, il me semble, que je n’aurais souffert il y a quelques mois. Il y a une fissure, dans cet amour, et je ne suis pas certain que, dans cette fissure, un autre visage ne se soit glissé…
    — La belle Mme de Balbi ? C’est en effet un bon remède mais qu’on ne peut peut-être prendre qu’à petites doses, comme certains poisons ?
    — Il ne saurait en être autrement. Sa vie et la mienne ne peuvent s’unir. Simplement faire, de temps en temps, un bout de chemin ensemble…
    L’entrée désinvolte d’un jeune homme vêtu à la dernière mode, tiré à quatre épingles et qui offrait avec Axel une ressemblance certaine, en plus jeune et en plus frêle, interrompit la conversation…
    — Tiens ! dit Fersen avec bonne humeur. Voilà un spécimen de la tribu familiale : mon jeune frère Fabian. Je lui montre la France et Versailles qui le fascine : il a une véritable passion pour les palais royaux et la vie de cour. Voici le chevalier de Tournemine de La Hunaudaye, Fabian. Le fameux Gerfaut dont je vous ai souvent parlé, l’un des plus rudes combattants de la guerre américaine. J’essayais de le convaincre de nous accompagner en Suède mais il me résiste…
    — Vous avez tort, monsieur, dit le jeune Fabian dont les yeux s’étaient mis à briller comme des chandelles et dont la main s’était tendue spontanément. Nous serions fiers de vous présenter à Leurs Majestés… et aux dames qui vous feraient sans doute un succès…
    — Le malheur c’est qu’il n’a pas envie, pour le moment, d’intéresser les Suédoises. Mais où donc courez-vous si tôt, Fabian ? Vous voilà déjà sous les armes ?
    — Déjà ? Vous devriez dire encore, mon frère. Je ne sors pas, je rentre ! À présent, si vous le permettez, je vais me coucher car je tombe de sommeil… et je ne voudrais pas m’écrouler en face d’un héros d’Amérique. J’ai été charmé, au-delà de tout ce que je pourrais exprimer, de vous rencontrer, chevalier, et j’espère que nous nous reverrons souvent…
    Ayant salué, le jeune Fersen quitta la pièce avec une grande dignité.
    — Je pars aussi, dit Gilles. Adieu, Axel ! Reviens-nous vite ! Royal-Suédois a besoin de son colonel et quelquefois aussi tes amis… sans parler de la sauvegarde de certaine famille royale. Que Dieu te garde !
    Quelques minutes plus tard, dans la fraîcheur du matin et l’éclat du nouveau soleil, Gilles galopait le long de la Seine en direction de Versailles, heureux de respirer l’air vif et pur embaumé de toutes les senteurs fraîches des champs et des jardins où s’évaporait la rosée du matin, heureux aussi de sentir vivre entre ses genoux le corps puissant de Merlin. Le vent de la course et la gloire de ce beau jour d’été achevaient de chasser les ombres troubles de cette nuit sinistre déjà mises en déroute par l’accueil fraternel de Fersen. Au bout de la route, il y aurait un autre accueil, tout aussi réconfortant : celui de Marguerite Marjon qui l’avait adopté pratiquement comme fils, renforcé de celui d’Ulrich-August. Rien que pour leur affection, la vie valait encore largement la peine d’être vécue…
    Et puis, pourquoi ne pas songer davantage au fils de Sitapanoki ?
    1 .  Voir le Gerfaut des brumes , tome I.

QUATRIÈME PARTIE
    LES PORTES D’UN AVENIR

CHAPITRE XIV
    LE SECRET DE SAINT-AUBIN-DES-BOIS
    Le temps semblait aboli.
    Arrêté devant le grand pont-levis qui s’emmanchait à l’ombre de la maîtresse tour de La Hunaudaye, Gilles de Tournemine écoutait renaître en lui les émotions éprouvées trois ans plus tôt à cette même place. Il retrouvait intacte l’espèce de poussée d’amour qui lui était venue quand, de la corne de l’étang voisin, il avait contemplé pour la première fois la vieille forteresse de ses aïeux murée dans son arrogante solitude. Comme ce soir-là, les étourneaux tournoyaient encore dans le ciel qui, au-dessus des tours coiffées d’ardoises fines, s’assombrissait d’instant en

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