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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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poussé.
    — Vous êtes venu, monsieur le chevalier, vous êtes venu comme il l’avait demandé sans oser l’espérer ! Quelle joie vous allez lui donner !
    Gilles vit alors que le malheureux estropié n’était autre que Pierre, le petit-fils du vieux Joël et se souvint de ce qu’avaient dit les deux inconnus, sur la terrasse du cabaret au bord de la Seine : le jeune homme avait eu un accident. Aussitôt, oubliant le prêtre il se releva, alla vers lui les bras ouverts, empli d’une immense compassion.
    — Pierre Gauthier ! fit-il chaleureusement. Que vous est-il donc arrivé, mon pauvre ami ?
    Le jeune homme avait changé. Sa bonne figure ronde, vernie de bonne santé de jadis, avait fondu au feu de la souffrance et de la peine. Mais il haussa les épaules avec une sorte de fatalisme et trouva un sourire.
    — La mauvaise chance, monsieur le chevalier… et puis, sans doute, la volonté de Dieu !
    — Dis plutôt ton trop grand courage, Pierre ! coupa le prêtre. C’est un loup, monsieur, qui lui a pris sa jambe. Le dernier hiver a été terrible et ceux de la forêt sont venus vers les villages pour trouver à manger. Pierre s’est jeté, sans arme, au secours d’une jeune fille mais il a été si cruellement mordu qu’il a fallu l’amputer. Il a failli mourir de l’amputation… Ah ! voici que l’on nous ouvre…
    La grande porte s’ouvrait, en effet, avec une solennelle lenteur découvrant une femme en coiffe blanche qui s’agenouilla au seuil. Gilles reconnut Anna, la mère de Pierre et la belle-fille du vieux Joël. Quand Dieu et ses serviteurs furent entrés dans La Hunaudaye, Tournemine et Pongo sur leurs talons, elle alla refermer soigneusement la porte puis précéda le prêtre vers la maison basse ; adossée à la courtine est du château qui était la demeure de l’ancien garde-chasse. Elle agissait d’une curieuse façon automatique, sans regarder personne comme une femme absorbée dans une trop grande douleur ou une trop forte angoisse.
    Gilles revit la grande salle, barrée par la lourde cheminée de granit quasi seigneuriale par ses dimensions, la longue table de châtaignier flanquée de bancs à laquelle il avait pris place mais, dans la cloison de bois sculptée et cirée qui doublait le mur du fond de la salle, un grand volet était tiré, découvrant le lit clos où gisait l’agonisant.
    Planté devant le lit, un cierge brûlait. Il avait été béni à la dernière Chandeleur et rappelait celui que l’on avait porté, au baptême, devant le petit Joël Gauthier. La flamme était censée tenir éloignés les démons de l’air et vacillait doucement au vent du soir car, ainsi que le voulait la coutume, toutes les petites fenêtres basses de la salle étaient grandes ouvertes afin que l’âme, quand elle quitterait le corps définitivement hors d’usage, pût trouver aisément son chemin vers le ciel.
    Quelques personnes – une vieille femme, deux valets de ferme et une jeune fille – se tenaient agenouillées près de ce cierge et murmuraient des prières auxquelles une voix faible sortie de derrière la cloison ajourée s’efforçait de répondre mais tous se levèrent et s’écartèrent avec respect quand retentit la clochette et que le prêtre parut. La jeune fille qui se tenait courbée, les épaules secouées de sanglots, se redressa, grandit, monta comme un svelte jet d’eau et d’un seul coup accapara toute la lumière contenue dans la pièce : celle des flammes de la cheminée, celle du cierge, celle que reflétaient les murs blanchis. Elle fut, tout à coup, comme une explosion de jeunesse, rose comme un coquillage et blonde comme une moisson avec des nattes dorées grosses comme un poignet et de grands yeux d’un bleu sombre, presque violet, que les larmes faisaient étinceler.
    Gilles la regarda, stupéfait, ébloui. Alors Pierre, conscient de l’effet quelle produisait, murmura :
    — C’est ma jeune sœur, monsieur le chevalier, Madalen. Vous vous souvenez ?
    — Je me souviens d’une enfant et je vois une jeune fille.
    — Elle a seize ans ! Elle n’en avait que treize alors et, bien sûr, elle a beaucoup changé.
    Changé ? Se pouvait-il que la petite chrysalide apeurée qu’il avait vue dans les jupons de sa mère, fût devenue cette royale créature, si grande car elle dépassait son frère d’une demi-tête et sa mère de toute la tête, si lumineuse et si déliée dans sa grâce instinctive et sans apprêt qui est celle

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