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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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qui, grâce à la taille de son propriétaire, surgissait de la houle des autres têtes comme le clocher d’une église de son village. Cette tête qui se découpait sur la brillante caisse verte d’une voiture, il ne pouvait pas en exister deux semblables sur toute la boule ronde et il la reconnut avec une stupeur mêlée d’une telle joie que le nom franchit ses lèvres avant même qu’il s’en fût rendu compte.
    — Tim ! Tim Thocker 2  !…, cria-t-il. Vingt dieux qu’est-ce que tu fais là ?
    Retrouver ainsi son premier ami américain, l’étonnant coureur des bois qui avait été son meilleur compagnon d’aventures, lui causait un tel bonheur qu’il en oublia et le fait qu’il avait changé d’aspect et la raison grave pour laquelle il était là. C’était tellement bon, surtout à ce moment de solitude totale, de revoir le large visage tranquille du fils du pasteur de Stillborough et de constater que, semblable à sa terre natale, Tim semblait toujours égal à lui-même. Seule concession aux usages européens, son habituelle tunique de daim à franges avait cédé le pas à une sorte de redingote de gros drap couleur de châtaigne d’où surgissait un col de chemise noué d’une cravate tellement tortillée quelle ressemblait à une ficelle verte terminée par des pompons.
    L’appel de Gilles étant parvenu jusqu’à lui, Tim tourna les yeux vers cet inconnu barbu qui avait l’air de rire aux anges. Ses yeux, naturellement ronds, parurent s’arrondir encore sous ses sourcils couleur de paille roussie mais, à cet instant, il y eut un remous dans la foule qui refluait pour laisser libre passage aux voitures de la Cour transportant la reine, ses enfants, ses amis et sa suite.
    La voiture à laquelle Tim s’appuyait opéra alors un mouvement tournant de telle sorte que Gilles ne vit plus son ami. Il réussit à escalader une borne voisine mais il y avait des grappes humaines accrochées un peu partout et, bien que l’Américain fût de la taille d’un jeune arbre, il fut impossible de l’apercevoir.
    Peut-être, pour mieux voir, Gilles eût-il tenté l’escalade d’une lanterne ou d’un pilier d’entrepôt, encore que cela représentât certainement un combat à livrer mais, soudain, à la portière d’une voiture de spectateurs, un buste d’homme apparut et Gilles, renonçant à dominer les foules, prit au contraire le parti de redescendre et de se noyer dans la foule car cet homme c’était son sorcier de la Bastille, c’était l’homme aux menaces. En un mot, c’était le comte de Modène et, peu soucieux d’accrocher un regard aussi inquisiteur, Gilles choisit de se noyer dans le public parisien refluant vers le petit pont, le plus loin possible des yeux du nouveau venu.
    Modène ne s’intéressait pas à la foule, d’ailleurs, mais bien au bateau qu’il examinait avec ce qui parut être à Tournemine un soin tout particulier. Il avait l’air de chercher quelque chose et le chevalier fit comme lui, mais alors que le comte achevait son examen par un demi-sourire prouvant qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait, le jeune homme ne vit dans cet extravagant bateau de plaisance rien qui pût justifier cette satisfaction.
    Coincé par la foule, Gilles fut bien obligé d’assister à la suite du spectacle. Le silence s’était fait dans la foule d’où ne partait aucun cri de joie, aucune acclamation. Les rires et les plaisanteries de tout à l’heure avaient cessé. Un respect venu du fond des âges retenait encore les bons sujets de Sa Majesté au bord des insultes et des sifflets, peut-être aussi la vue des armes bien astiquées, des Suisses et des gardes du corps. Alors le peuple avait choisi de se taire et si la musique des gardes-françaises ne s’était mise à jouer, c’eût été dans un profond silence que la reine aurait gagné son bateau.
    Elle apparut tout à coup au milieu d’un parterre de gigantesques chapeaux couverts de fleurs et de plumes multicolores, imposante et belle, au cœur d’une symphonie bleue assortie à ses yeux comme le grand diamant bleu qui battait à sa gorge, souriante sous un chapeau qui ressemblait à une vague écumeuse chevauchant ses beaux cheveux blond cendré sans poudre. Elle souriait au soleil, au fleuve, à l’extravagant navire, au comte de Boulainvilliers, prévôt des marchands, qui lui offrait cérémonieusement la main pour la mener à la passerelle drapée de satin. Mais, contrairement à ceux de bien des

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