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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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tempête, contourna le village de Seine-Port et déboucha peu après dans les alentours du château de Sainte-Assise, juste à temps pour apercevoir l’arrière doré et le vaste drapeau fleurdelisé, traînant presque dans l’eau, de la gondole royale qui poursuivait son chemin vers Melun. Il trouva là une foule en voie de dispersion et s’aperçut qu’il y régnait une grande confusion.
    Ces gens parlaient tous en même temps et, en descendant vers le bord du fleuve, Gilles croisa des groupes de paysans qui s’en retournaient en discutant entre eux d’un événement qui venait apparemment de se produire. Des bribes de phrases arrivaient, portées par des voix habituées au grand air.
    — Un grand malheur que ça aurait été !
    — Pour sûr ! J’ dis pas que j’ l’aime, elle, mais ces pauvres petiots…
    — Fallait en avoir sur le cœur, pas vrai, pour faire une chose pareille ?
    — Et dire c’ qu’on a entendu…
    — M’en parlez pas ! J’en ai encore les sangs tout retournés…
    Que s’était-il donc passé ? S’il n’avait vu le bateau de la reine s’éloigner indemne Gilles aurait échafaudé sur l’heure les pires suppositions : que Fersen n’avait pas tout enlevé, qu’une autre forme d’attentat avait été prévue et Dieu sait quoi !… Se penchant sur l’encolure de son cheval, il arrêta un homme en sabots qui, tout en marchant, pérorait au milieu d’un groupe de femmes, assez semblable sous son bonnet coquettement drapé à un coq dans sa basse-cour.
    — Qu’y a-t-il eu ici ? demanda le chevalier. Vous me semblez tous bien agités…
    L’homme mit son bonnet à la main et commença par faire taire les femmes qui s’étaient mises à parler toutes à la fois.
    — La paix, vous autres ! C’est à moi que monsieur parle ! Pour sûr, mon gentilhomme, qu’il s’est passé quelque chose. S’en est fallu d’un cheveu qu’on voie sauter la reine, ses mioches et tout le saint-frusquin !
    — Comment cela ?
    L’homme alors raconta que, pour voir les danses et toutes les belles choses que monseigneur le duc d’Orléans avait fait préparer sur la berge de son jardin, la reine qui se tenait debout à l’avant du bateau avec ses enfants et ses dames avait ordonné que l’on ralentît. Peut-être aussi parce qu’il y avait beaucoup de barques, pleines de belles dames et de beaux messieurs, et aussi d’autres avec des musiciens et de jolies filles avec des corbeilles de fleurs qu’elles jetaient devant la proue dorée du bateau comme devant le Saint-Sacrement ? Or, dans une de ces barques il y avait une femme toute seule avec un rameur et un tas de fleurs et, tout à coup, cette femme avait sorti des fleurs une chandelle tout allumée avec laquelle elle avait essayé de « mettre le feu au bateau, en brûlant un bout de dorure ». En même temps elle avait crié « un tas d’injures et d’horreurs » à l’adresse de la reine « qui était devenue toute pâle »…
    — Une femme ? fit Gilles abasourdi. C’est une femme qui…
    Réalisant brusquement qu’il allait en dire trop il s’arrêta. Un autre personnage, d’ailleurs, venait de prendre la parole, un homme d’une cinquantaine d’années, vêtu assez pauvrement moitié comme un ancien militaire, moitié comme un abbé de cour et qui se tenait assis, une canne à la main sur l’une des bornes flanquant, presque au bord de l’eau, le mur du château.
    — Une jeune femme, dit-il, et qui m’est apparue belle et élégante autant que j’aie pu en juger de loin. Elle s’est dressée comme une lionne furieuse, brandissant sa flamme et elle a crié : « Maudite reine, tu vas payer enfin tes crimes et tes turpitudes, tes débauches et tes trahisons ! Tu as jeté à la Bastille un homme de Dieu qui s’était oublié jusqu’à devenir ton amant, et un homme de bien, Cagliostro, qui s’efforçait de soulager les misères de ton peuple ! Tu as tué l’homme que j’aimais et qui était lui aussi ton amant… Tu n’es qu’une putain couronnée… Tu vas mourir et de ma main ! »
    — Mon Dieu !… Mais qui était-ce ?
    L’homme haussa les épaules.
    — On ne sait encore. Elle n’a pas pu en dire davantage. Dans les barques voisines des gens se sont jetés sur elle, on l’a maîtrisée, ligotée tandis que le rameur de sa barque se jetait à l’eau et réussissait à s’enfuir. Mais c’était horrible, monsieur, ces mots affreux, cette haine dans une si jeune et

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