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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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mort pour se faire pardonner le péché de chair qu’il avait commis avec Jeanne, la lingère de son château ! »
    Le subtil évêque maniait le verbe et la rhétorique avec l’adresse d’un dominicain, les compliments et les reproches, avec l’agilité d’un jongleur. Mais il jonglait avec des mots et ses paroles, tantôt flatteuses et mielleuses, pouvaient navrer l’instant suivant aussi mortellement qu’une sagette tirée à bout portant.
     
    Puis, se radoucissant derechef :
    « Ne me mentez point, messire Bertrand. C’est grave péché lorsqu’on est entendu en confession, me susurra-t-il à l’oreille.
    — Euh… en confession ? Mais, monseigneur, je, je n’ai point demandé cette audience pour aller à confesse… Mon confesseur est le curé de Calviac ! Je… Vous… vous me flattez, monseigneur. Je suis venu solliciter de votre excellence qu’elle veuille bien nous remettre une lettre de… pour…, bafouillai-je et béguetai-je, complètement désarçonné. Puis me ressaisissant :
    « Je sais votre temps trop précieux pour donner le sacrement de l’absolution à un aussi humble sujet que moi, monseigneur.
    — Que nenni, messire Bertrand. Voyons, réfléchissez. Il est des aveux que d’aucuns ne peuvent glisser que dans l’oreille d’un prélat. Un prélat en qui ils auraient toute confiance ; un évêque. Un homme comme moi, par exemple. Un ecclésiastique qui a aussi ses entrées à la Camera apostolica, la Chancellerie apostolique de la curie pontificale…
    « Un humble curé de campagne ne peut être instruit de ces affaires d’importance dont nous nous entretenons, mon ami. Des affaires d’État. A fortiori, s’il a reçu en séminaire grande et belle instruction de ses maîtres. Et je fus d’iceux, il y a bien longtemps…
    « Mais vous êtes un homme avisé, chevalier Brachet de Born. Vous m’avez choisi pour vous entendre en confession parce que vous saviez que je place ce sacrement au plus haut dans les lois de notre sainte Mère l’Église.
    « Prenez place séant. Nous poursuivrons votre confession avec plus de sérénité lorsque nous serons assis ; nous nous recueillerons mieux ainsi, dans la lumière de l’Esprit saint ! », me conseilla-t-il en m’invitant, la main sur mon épaule, à poser mon cul sur l ’ étroit tripalium qu ’ il glissa adroitement sous mes fesses, près du haut faudesteuil sur lequel il prit place à son tour.
    La douceur de ses paroles contrastait avec la fermeté avec laquelle il avait plaqué ses doigts sur mon épaule. Je sentis un bon moment la marque de la bague épiscopale sur les muscles de l ’ épaule que j ’ avais pourtant fort développés.
    «   Partez du principe que je sais déjà tout et ne vous pardonnerai pas le moindre mensonge. Qu ’ il fut par action ou par omission. Vous avez tant de choses à me conter pour soulager votre chevaleresque conscience…
    «   Commençons par ces fioles, m ’ enjoignit-il en se signant et en portant le rubis à ses lèvres pour l ’ effleurer d ’ un chaste baiser. Elles sont trop convoitées par de bien méchantes gens pour qu ’ il vous arrive de nouveaux malheurs. Je vous écoute, mon fils…   »

    Pris sans vert, je dus me résigner, l ’ estomac dans les talons. Je n ’ avais point dîné. Ma confession imprévue dura trois longues heures, entrecoupée de ses questions et de mes réponses.
    Je tentai bien d ’ occulter certains faits pour ne lui livrer que des informations sans conséquences, mais l ’ homme était divinement (ou diaboliquement) habile et il parvint à m ’ extirper au forceps moult précieux renseignements.
    Plus adroitement et moins douloureusement qu ’ un inquisiteur. Mais aussi rapidement et aussi sournoisement. Je réussis toutefois à pécher par omission sans me résigner à résipiscence.
    Lors de cette confession à bâtons rompus, je passais sous silence les relations équivoques que j ’ avais eues avec la châtelaine Éléonore de Guirande, les liens que je supputais entre les hérétiques albigeois et les chevaliers templiers des commanderies de langue d ’ oc, le secret que ma sœur détenait certainement sur l ’ emplacement du Livre sacré.
    Lorsque j ’ avouais qu ’ elle était sans doute l ’ héritière légitime d ’ une immense fortune âprement convoitée par des partis adverses, ses yeux se plissèrent et un éclat surprenant jaillit de ses prunelles. Cet éclat, cette lueur furtivement aperçue m ’

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