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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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chanoine devint aussi rouge que la pourpre cardinalice qu ’ il n ’ aurait jamais, bredouilla quelques mots inaudibles, et se retint pour ne pas prendre les jambes à son cou et fuir ce personnage qui le narguait. Je lui collai aux chausses, de peur qu ’ il ne me claquât la porte au nez.

    Nous enfilâmes un long couloir faiblement éclairé par d ’ éparses torchères. Nous traversâmes une salle voûtée, dans l ’ indifférence de la plupart des clercs convers aux mains noircies par l ’ encre de galle, aux yeux rougis par les longues heures de travaux d ’ écriture à la lumière falote de chandelles fumantes, avant d ’ atteindre une porte cloutée qu ’ encadraient deux gardes de la milice consulaire.
    Ils redressèrent leur guisarme et rectifièrent la position à notre approche, l ’ autre main sur le pommeau de l ’ épée. Le chanoine cogna trois fois le heurtoir sur la porte. Une pièce de cuir en amortissait le son à cet endroit.
    Dressé sur la pointe des pieds (l ’ homme était de petite taille), il entrebâilla la lourde porte, m ’ annonça, s ’ effaça et me fit signe de la tête de bien vouloir m ’ avancer sans oser me regarder dans les yeux, puis il referma sans bruit la porte massive dont j ’ avais largement élargi l ’ ouverture sur mon passage. Les gonds étaient merveilleusement graissés.
    La pièce dans laquelle officiait l ’ évêque de Sarlat, de dimension modeste, était tapissée de tentures de haute-lice qui représentaient la vie de Jésus. Sur des étagères, s ’ étalaient moult codex rangés dans un savant désordre. Au-dessus du bureau, un grand crucifix. À côté, un lutrin sur lequel était posé ce qui devait être un recueil de psaumes ou de prières.
    «   Messire Brachet de Born, je n ’ avais pas encore eu l ’ heur de faire votre connaissance depuis le départ de monseigneur de Royard et mon avènement en ce magnifique diocèse   ! Sauf à vous avoir aperçu lors de nos processions à Temniac. Or donc, quel bon vent vous amène   ? Auriez-vous égaré votre bague derechef   ? me demanda-t-il, très pince sans rire, en me tendant sa main senestre, les doigts fléchis, pour m ’ inviter à baiser le superbe rubis qui ornait son annulaire.
    Je fléchis un genou, saisis les doigts noueux et froids et a pprochai mes lèvres de la pierre précieuse en inclinant le chef avec le respect dû à la fonction.
    «   Non point, monseigneur, je viens seulement solliciter de Votre Excellence une lettre de pèlerinage   : mon épouse, dame Marguerite et moi avons fait vœu de prendre le bourdon et de cein d re l’ écharpe pour rendre grâce à Notre-Dame de Roc-Amadour, notre sainte protectrice, pour tous ses bienfaits… (Diable, pensai-je, monseigneur de Royard l’avait informé de mes mésaventures passées.) {40}
    –… et profiter de l’occasion pour récupérer quelques saintes reliques aussi afin de les placer en lieu sûr… dans notre cathédrale, par exemple. Pensez ! L’eau et le sang du Christ recueillis par Simon d’Arimatie ! Le Graal de tous les chrétiens ! La légende des chevaliers de la Table Ronde… »
    J’en restai coi, interdit. Comment notre évêque avait-il connaissance, non pas de l’existence des fioles – un chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de l’Hôpital les avait remises au père Louis-Jean d’Aigrefeuille, à charge pour lui de les remettre au Saint-Père –, mais du fait qu’icelui, avant de rendre son âme à Dieu, assassiné par Arnaud de la Vigerie dans le confessionnal de la cathédrale de Famagouste, m’en avait confié deux, la troisième ayant mystérieusement disparu ? Seuls, Foulques de Montfort, feu le baron de Beynac, Arnaud et moi le savions {41} .
    Et surtout, moi seul savais que je les avais confiées en grand secret à un saint homme qui avait fort bien connu mon père. Un preux chevalier qui avait participé à moult batailles à ses côtés, avant de prendre l’habit et de se retirer, tel un ermite, en ce haut-lieu de Roc-Amadour. Où il officiait en qualité de sacristain dans la chapelle de la Vierge.
     
    Monseigneur Elie de Salignac, profitant du trouble qu’il lut sur mon visage, reprit aussitôt :
    « Vous feriez là une bien belle offrande à nos ouailles. Pensez au prestige qui en résulterait pour notre bonne ville de Sarlat ! Et des centaines, que dis-je, des milliers de pèlerins afflueraient de toutes les provinces du royaume et de bien plus loin

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