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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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inquiétèrent vivement et m ’ inclinèrent à la plus extrême prudence dans mes aveux.
    Il dut le sentir, car il ne me posa aucune question sur l ’ origine de cet héritage. À moins qu ’ il ne le sût déjà. Mais l ’ affaire était trop grave, le risque de suspicion trop grand pour que je ne reste pas dans le vague en feignant l ’ ignorance. Ce qui était vrai. En partie vrai.
    Je lui fis part de mes doutes sur la cécité de ma sœur. Comment avait-elle pu accompagner le chevalier de Sainte-Croix aussi souventes fois lorsqu ’ il visitait les maladreries de Périgueux et soignait les lépreux si elle n ’ y voyait point   ?
    L ’ évêque n ’ était point ignorant de ces choses. Il reconnut que l ’ un de ses prédécesseurs avait vu Isabeau de Guirande en compagnie du chevalier hospitalier et l ’ avait interrogée sur les origines de cette cécité qui serait survenue vers l ’ âge de dix ou douze ans.
    Il me confirma la passion qu ’ elle vouait, non seulement aux malades, mais aussi aux astres. Sa vue – celle que l ’ on porte pour lire un parchemin, par exemple – aurait fortement décliné à la suite de la trop longue observation d ’ une éclipse solaire. Un phénomène rare que les Anciens prenaient pour un signe précurseur d e la fin du monde.
    Un peu comme si la prunelle de ses yeux avait été brûlée par un fer chauffé à blanc, châtiment que l ’ on réservait à certains criminels et dont elle aurait été l ’ innocente victime en raison de son goût trop prononcé pour l ’ observation des phénomènes célestes.
    Selon les meilleurs physiciens que son tuteur le baron de Beynac avait consulté en l ’ université de Montpellier, elle aurait cependant conservé une sorte de vision floue et périphérique de ce qui l ’ entourait. Elle pouvait en conséquence se déplacer sans t rop de difficulté si quelqu ’ un l ’ accompagnait.
    Je demandai à mon confesseur s ’ il pensait la cécité irréversible, susceptible de s ’ aggraver ou de guérir. Il m ’ avoua son ignorance et celle des physiciens.
    Cette confidence me rassura et me bouleversa à la fois. Ainsi, ce n’aurait pas été à la suite d’un choc violent que ma gente fée aux alumelles serait devenue presque aveugle. J’en étais tout ébaudi.
    Et mon compère savait tout cela. Il l’avait protégée, l’avait présentée aux meilleurs physiciens du royaume. Comment avait-il pu alors m’écrire des choses aussi affreuses et fausses dans son dernier testament ? Pour nous protéger l’un et l’autre ? Ou l’un de l’autre ?
    J’avais porté mes soupçons sur Arnaud de la Vigerie. Il aurait pu être à l’origine de son malheur en la frappant violemment si elle avait refusé une relation charnelle, s’il avait tenté de la forcer. Ou de lui soutirer le secret du trésor des hérétiques albigeois. Une aveugle ne peut témoigner à charge lors d’un procès criminel.
    Je tentai de confesser mon confesseur, à mon tour. Le réseau de familiers que l’Église ne manquait pas d’entretenir à grands frais ne l’aurait-il pas informé de l’endroit où Isabeau de Guirande aurait pu se réfugier depuis qu’elle avait quitté le château de Castelnaud ? tentai-je d’obtenir.
     
    Vêpres sonnaient au clocher de la cathédrale. Monseigneur de Salignac écourta l’audience. Il me donna l’absolution «  Absolvo te ! In nomine patris et filii et spiritus sancti  », sans répondre à ma question, se leva de son siège, se dirigea vers une écritoire, en souleva le couvercle, prit un parchemin qu’il déroula, y apposa son seing, bouche cousue comme une huître des bassins d’Oléron, le sertit d’un ruban rouge qu’il cacheta de son petit sceau et me le tendit :
    « Voici, messire Brachet de Born, la lettre de voyage pour laquelle vous aviez sollicité cette audience. Et les fioles, onques, n’oubliez les fioles, messire Brachet ! Quelle bonne idée votre épouse a-t-elle eu de ce magnifique pèlerinage ! Cette cité accrochée au roc, cette vue sur les gorges de l’Ouysse et de l’Alzou. Saint-Louis lui-même et tant d’autres monarques en ont gravi les marches… »
    Puis, il saisit une petite cloche qu’il agita vivement.
    « Je dois me rendre à la célébration d’un office et vous remercie de votre très instructive confession. Pour votre pénitence, vous réciterez les dix commandements et rendrez grâce à Dieu et à la Vierge Marie en disant les prières

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