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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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encore…
    — Monseigneur, par quel tour de magie est-il possible que Votre Excellence sache où se trouve le Saint Graal ? Ne serait-ce donc point une chimère, à la parfin ?
    — Allons, allons, messire Brachet, ne jouez pas les coquefredouilles avec moi. Nous savons, l’un et l’autre, que vous en avez récupéré au moins deux sur les trois dans la boîte à message de feu le père Louis-Jean d’Aigrefeuille, feu l’aumônier général de la Pignotte, l’Aumônerie des Pauvres en Avignon !
    « Le jour terrible où il fut assassiné dans de bien mystérieuses circonstances. Alors qu’il vous entendait en confession en la cathédrale de Famagouste… Que Dieu ait son âme. Ce brave homme, à l’érudition prodigieuse, était aussi un saint ! »
    Je revis, comme un véritable cauchemar, fondre sur moi une nouvelle suspicion de meurtre. C’en était trop. Le feu aux joues, mes cheveux blonds dressés sur mon crâne, je rugis :
    « Me croyez-vous capable d’avoir occis le père d’Aigrefeuille ? Me pensez-vous capable d’une telle lâcheté, d’une telle félonie ? Contre un homme qui avait placé toute sa confiance en moi ? Contre un homme de Dieu ?
    — Allons, allons, messire Bertrand, ne me faites pas dire ce que je ne pense point ! On m’a rapporté que vous étiez haut à la main. On ne s’est pas trompé…
    — Qui a pu vous baver de pareilles sornettes ? éructai-je.
    — Mon petit doigt, messire, me répondit-il, passant outre à mon insolence, les lèvres fendues par un maigre sourire, les yeux froids.
    « Bien qu’il soit vrai que Royard et moi, nous nous soyons posé quelques questions lorsque cette fâcheuse nouvelle lui est venue aux oreilles par la Chancellerie. Mais l’affaire fut tranchée à l’époque. Le coupable avait avoué et il connut un châtiment bien doux pour le crime qu’il avait commis : roué, écartelé et pendu par les pieds. Bien que l’enquête fut, semble-t-il, bien hâtive. Avouer… avouer lorsqu’on est soumis à la question… »
     
    Le perfide ecclésiastique maniait adroitement le chaud et le froid, prêchait le faux pour connaître le vrai. Dans ses paroles, je sentais une menace sourde planer sur mon chef et résistai à la forte tentation d’essuyer d’un revers de la main la suance qui perlait sur mon front et sur ma nuque. Ce qu’il ne manqua pas d’observer, bien que je ne l’eusse pas quitté des yeux.
    D’une voix douce, onctueuse et sucrée comme une crème de châtaignes au lait de vache et au miel aromatisée à la cannelle, il enchaîna :
    « J’ai aussi ouï parler de la bouche de mon neveu Onfroi, l’un de vos écuyers, de votre bravoure lors du siège de la forteresse de Commarque qui, ainsi que vous ne l’ignorez point, est rattaché à ma juridiction épiscopale. Vous auriez fait preuve de clairvoyance, de vaillance et d’un remarquable sens de l’organisation et du commandement… de sagesse et de finesse aussi, lors des négociations que vous avez conduites avec grande habileté face au puissant Henri de Lancastre, le comte de Derby. Elles tournaient au sublime ! Nos troubadours chantent déjà vos exploits ! se réjouit-il en levant les bras au ciel.
    « Bientôt, ils clameront aussi vos récentes prouesses. Quelle bonne idée Bozon de Beynac a-t-il eu d’organiser ce grand tournoiement pour réunir une véritable armée et prendre d’assaut le château de ce renégat de Castelnaud ! Le baron savait ma réticence à organiser l’un de ces tournois condamnés par l’Église. Mais la fin justifiait les moyens…
    « Ici encore, il paraît que vous vous êtes remarquablement distingué. J’en viens même à penser que vous fûtes à l’origine de ce plan magnifique… »
    Cette fois, je rougis sous le compliment et j’aurais modéré son enthousiasme s’il ne m’avait pas laissé entendre que le baron de Beynac s’en était attribué le mérite.
    Le prélat changea soudainement de registre et reprit en haussant le ton, d’une voix cassante :
    « Mais, de grâce, ne cherchez pas à m’embufer, messire Brachet de Born ! Croyez bien que si j’avais le moindre doute sur votre féalité et votre esprit de chevalerie, il y a longtemps que j’aurais fait instruire à charge contre vous ! Et vous ne seriez pas là, céans, devant moi, à vous paonner dans ces beaux habits tissés et brodés par la dot de votre épouse. Une dot dont Fulbert Pons de Beynac l’a gratifiée au seuil de la

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