Le Troisième Reich, T1
chefs
syndicalistes et les socialistes, et elle fut repoussée comme trop dangereuse.
Ainsi, en déposant le gouvernement constitutionnel prussien, Papen venait
d'enfoncer un nouveau clou dans le cercueil de la République de Weimar. Il
n'avait fallu, déclarait-il avec orgueil, qu'une escouade de soldats pour y
parvenir.
De leur côté, Hitler et ses lieutenants étaient décidés à
renverser non seulement la République, mais également Papen et ses barons.
Gœbbels exprima cette intention dans son journal à la date du 5 juin : « Nous
devons nous dissocier le plus tôt possible de ce cabinet de transition
bourgeois, » Quand Papen vit Hitler pour la première fois le 9 juin, le chef
nazi lui dit : « Je ne considère votre cabinet que comme une solution
provisoire, et je continuerai mes efforts pour faire de mon parti le plus fort
du pays. Le poste de chancelier me reviendra alors de droit (8). »
Les élections du 31 juillet étaient les troisièmes élections
nationales qui avaient lieu en Allemagne en cinq mois, mais, loin d'être las de
tant de campagnes électorales, les nazis se lancèrent dans la bataille avec
plus de fanatisme et d'ardeur que jamais. Malgré la promesse faite à Hindenburg
par Hitler que les nazis soutiendraient le gouvernement Papen, Gœbbels attaqua
violemment le ministre de l'Intérieur et, dès le 9 juillet, Hitler alla trouver
Schleicher pour se plaindre amèrement de la politique du gouvernement. D'après
l'ampleur des foules qui venaient entendre Hitler, il était évident que les
nazis gagnaient du terrain. Le même jour, le 27 juillet, il prit la parole
devant 60 000 personnes, à Brandenburg, devant une foule
presque aussi nombreuse à Potsdam, et, ce soir-là, devant
120 000 personnes massées dans le gigantesque stade Grunewald de
Berlin, tandis que, dehors, 100 000 autres spectateurs entendaient sa voix
retransmise par les haut-parleurs.
Le scrutin du 31 juillet se solda par une victoire retentissante
du Parti national socialiste Avec 13 745 000 voix, les nazis emportaient 230
sièges au Reichstag, ce qui faisait d'eux le parti le plus
important du Parlement, tout en restant cependant loin de la majorité dans une
Chambre de 608 membres. Les sociaux-démocrates, sans doute en raison de la
timidité dont avaient fait preuve leurs chefs en Prusse, perdirent 10 sièges et
se retrouvèrent 133. La classe ouvrière penchait vers les communistes, qui
gagnèrent 12 sièges et devinrent le troisième parti d'Allemagne, avec 89
membres au Reichstag. Le Centre catholique accrut
légèrement ses forces, passant de 68 à 73 sièges, mais les autres partis
bourgeois, et même le Parti national allemand de Hugenberg, le seul à avoir
soutenu Papen lors des élections, furent écrasés. A l'exception des
catholiques, la moyenne et la haute bourgeoisie, de toute évidence, avaient
voté nazi.
Le 2 août, Hitler fit le bilan de son triomphe à Tegernsee, près de Munich, où il conféra avec ses lieutenants. Depuis les dernières
élections au Reichstag, deux ans plus tôt, les
nationaux-socialistes avaient gagné plus de 7 millions de voix et fait passer
leur représentation au parlement de 107 à 230 sièges. Dans les quatre années
qui s'étaient écoulées depuis les élections de 1928, les nazis avaient gagné
quelque 13 millions de nouvelles voix. Pourtant, la majorité susceptible de
faire accéder le parti au pouvoir manquait toujours à Hitler. Il n'avait
remporté que 37 pour 100 du total des voix. La majorité des Allemands étaient
toujours contre lui.
Il délibéra fort avant dans la nuit avec ses lieutenants. Goebbels nota les résultats dans son journal à la date du 2 août:
« Le Führer se trouve devant des décisions difficiles à
prendre. Agir dans la légalité? Avec le centre? » Avec le centre, les nazis
pouvaient former une majorité au Reichstag. Mais, pour
Gœbbels, « c'est impensable ». Il note pourtant : « Le Führer ne
prend finalement aucune décision. Il faut laisser la situation mûrir encore un
peu. »
Mais pas trop. Hitler, grisé par sa victoire, bien qu'elle ne
fût rien moins que décisive, s'impatientait. Le 4 août, il regagna
précipitamment Berlin pour voir, non pas le chancelier von Papen, mais le
général von Schleicher et, comme le nota Gœbbels, « pour formuler ses
exigences. Elles ne seront pas trop modestes », ajouta-t-il. Le 5 août, à la
caserne de Fuerstenberg, près de Berlin, Hitler précisa ses conditions au général
von
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