Le Troisième Reich, T1
— comme il
l'avait fait un an seulement auparavant après l'Anschluss — une conférence
européenne, où, cette fois, la France, la Grande-Bretagne, la Pologne, la
Russie, la Roumanie et la Turquie s'uniraient pour arrêter Hitler. Mais le
Premier britannique avait jugé cette suggestion « prématurée ». Il se méfiait
beaucoup de Moscou et trouvait qu'il ne pouvait aller au-delà d'une «
déclaration » des quatre puissances, l'Union Soviétique incluse [163] .
Sa proposition fut présentée à Beck, le jour même, c'est-à-dire
le 21 mars, par l'ambassadeur de Grande-Bretagne, et reçut un accueil plutôt
froid, en ce qui concernait tout au moins l'inclusion des Russes. Le ministre
des Affaires étrangères polonais se méfiait, davantage encore que Chamberlain,
de l'Union Soviétique et, de plus, il partageait les vues du Premier Ministre
sur l'insuffisance de l'aide militaire russe. Il devait conserver cette
position sans en démordre jusqu'au moment même de la catastrophe.
Mais c'est à Berlin que se produisit, en cette journée du 21
mars, l'événement qui devait être le plus fatal à la Pologne. Ribbentrop invita
l'ambassadeur de Pologne à venir le trouver à midi. Pour la première fois,
ainsi que Lipski le nota dans un rapport ultérieur, le ministre des Affaires
étrangères ne se montra pas seulement froid mais agressif à son égard. Le
Führer, lui dit-il en manière d'avertissement, « était de plus en plus surpris
par l'attitude de la Pologne ». L'Allemagne voulait une réponse à ses demandes
concernant Dantzig, l'autostrade et la voie ferrée à
travers le Corridor. C'était à cette seule condition que pourraient se
poursuivre les amicales relations polono-allemandes.
« La Pologne doit comprendre, spécifia Ribbentrop, qu'il faut
absolument qu'elle choisisse entre la Russie et l'Allemagne. » Pas de salut
pour elle en dehors de « relations raisonnables avec l'Allemagne et son Führer ». Ce qui sous-entendait une « politique anti-soviétique »
commune. De plus, le Führer désirait que Beck « vienne bientôt en visite à Berlin ». Dans l'intervalle, Ribbentrop
conseilla fortement à l'ambassadeur de Pologne de se rendre immédiatement à
Varsovie afin d'expliquer à son ministre des Affaires étrangères en personne
l'état de la situation. « Il conseillait, précisa Lipski à Beck, de
ne pas différer l'entretien avec Hitler de peur que le chancelier ne conclût
que la Pologne rejetait toutes ses offres (8). »
UNE PETITE AGRESSION AU PASSAGE
Avant de quitter la Wilhelmstrasse, Lipski
avait demandé à Ribbentrop de bien vouloir lui donner quelques renseignements
sur l'entretien qu'il avait eu avec le ministre des Affaires étrangères de
Lithuanie. L'Allemand répondit que la conversation avait porté sur la question
de Memel, « qui réclamait une solution ».
A vrai dire, Ribbentrop avait reçu la veille le ministre des
Affaires étrangères lithuanien, Juozas Urbays, de passage à Berlin après un
voyage à Rome, et avait exigé que la Lithuanie restituât sans délai à l'Allemagne
le territoire de Memel. Sinon, le « Führer agirait avec la
rapidité de l'éclair ». Les Lithuaniens, dit-il en manière d'avertissement, «
ne devaient pas s'illusionner et s'attendre » à une aide quelconque de
l'étranger (9).
En fait, quelques mois auparavant, le 12 décembre 1938,
l'ambassadeur de France et le chargé d'affaires britannique avaient attiré
l'attention du gouvernement allemand sur des bruits selon lesquels la
population allemande de Memel était en train de fomenter une révolte et lui avait
demandé d'user de son influence pour veiller à ce que le statut de Memel,
garanti à la fois par la Grande-Bretagne et par la France, fût respecté. La
réponse du ministère des Affaires étrangères avait exprimé « sa surprise et son
étonnement » devant la démarche [164] anglo-française, et Ribbentrop avait donné l'ordre qu'en cas de nouvelle
initiative semblable on signifie aux ambassades que l' « Allemagne avait
vraiment espéré que les Français et les Anglais se lasseraient un jour de se
mêler de ses affaires (10). »
Depuis quelque temps, le gouvernement allemand, et en
particulier le parti et les dirigeants S.S., travaillaient à organiser les
Allemands de Memel selon des méthodes que les affaires autrichiennes et sudètes
nous ont désormais rendues familières. La coopération de l'armée allemande
avait aussi été sollicitée et, comme nous l'avons
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