Le Troisième Reich, T1
dans l'Europe
d'après Versailles, il est difficile de ne pas conclure que les Polonais, au
cours des années 30 comme maintes fois pendant les siècles précédents, furent
entraînés, par de fatals défauts de leur caractère national, vers
l'auto-destruction et, alors comme jadis, n'eurent pas de pires ennemis
qu'eux-mêmes. Tant que Dantzig et le Corridor conserveraient leur statut
actuel, il ne pouvait y avoir de paix durable entre la Pologne et l'Allemagne
nazie.
Mais la Pologne n'était pas non plus assez forte pour se
permettre le luxe d'être à couteaux tirés avec ses gigantesques voisins, la
Russie et l'Allemagne. Ses relations avec l'Union Soviétique n'avaient cessé
d'être mauvaises depuis 1920, date où la Pologne avait attaqué la Russie déjà
affaiblie par le conflit mondial, provoquant ainsi une guerre civile qui
revêtit une forme farouche [162] .
Saisissant l'occasion de conquérir l'amitié d'un pays aussi
résolument anti-russe en même temps qu'il le détachait de Genève et de Paris et
qu'il sapait ainsi le système de Versailles, Hitler avait pris l'initiative du
pacte germano-polonais de 1934. Son geste ne fut pas populaire en Allemagne. Il
irrita l'armée, qui n'avait cessé d'être anti-russe et anti-polonaise depuis
l'époque de Seeckt. Mais, pour le présent, il servit admirablement Hitler.
L'amitié bienveillante de la Pologne l'aida à procéder par ordre : réoccupation
de la Rhénanie, mainmise sur l'Autriche et sur la Tchécoslovaquie. Toutes ces
étapes qui fortifiaient l'Allemagne en affaiblissant l'Ouest et en menaçant
l'Est, Beck et ses amis, les colonels de Varsovie, les considérèrent avec
sympathie et avec un aveuglement total et inexplicable.
Si, comme nous l'avons vu, le ministre des Affaires étrangères
polonais, au début de l'année nouvelle, avait été plongé dans le pessimisme par
les exigences d'Hitler, son courage sombra encore davantage avec l'arrivée du
printemps. Si Hitler, dans son discours d'anniversaire au Reichstag du 30
janvier 1939, avait célébré en termes chaleureux « l'amitié entre l'Allemagne
et la Pologne », où il voyait « l'un des facteurs rassurants de la vie
politique européenne », Ribbentrop, lui, s'était montré plus franc lorsqu'il
était venu en visite officielle à Varsovie, quatre jours plus tôt.
Il avait, une fois de plus, soulevé avec Beck la question des
exigences d'Hitler à propos de Dantzig et des communications à travers le
Corridor, et en avait souligné « l'extrême modération ». Mais, pas plus sur ce
point que sur celui de l'adhésion de la Pologne au Pacte anti-Komintern
préconisée par lui, le ministre des Affaires étrangères allemand ne parvint à
obtenir de réponse satisfaisante (6). Le colonel Beck commençait à se méfier de
ses amis. En fait, il commençait à se sentir sur des charbons ardents.
Le 26 février, l'ambassadeur d'Allemagne à Varsovie avertit
Berlin que Beck s'était fait inviter à Londres en fin mars et qu'il irait
peut-être à Paris. Bien qu'il fût un peu tard, la Pologne, ainsi que l'écrivit
Moltke dans sa dépêche, « désirait entrer en contact avec les démocraties
occidentales (7). ». Pour Beck, comme pour tant d'autres qui avaient essayé
d'apaiser l'appétit vorace d'Hitler, les yeux
commençaient de se dessiller.
Ils le furent totalement et définitivement le 15 mars, lorsque
Hitler occupa la Bohême et la Moravie et envoya ses troupes protéger la
Slovaquie « indépendante ». La Pologne se réveilla ce matin-là pour se
retrouver flanquée au sud le long de la frontière slovaque, comme elle l'était
déjà au nord sur les frontières de Poméranie et de Prusse-Orientale, par
l'armée allemande. Dû jour au lendemain, sa position militaire était devenue
intenable.
Le 21 mars 1939 constitue un jour mémorable dans l'histoire de
la marche de l'Europe vers la guerre.
Une activité diplomatique intense se déploya ce jour-là, à
Berlin, Varsovie et Londres. Le président de la République française,
accompagné de son ministre des Affaires étrangères, M. Bonnet, arriva en visite
officielle dans la capitale britannique. Chamberlain suggéra aux Français que
leurs deux pays s'unissent à la Pologne et à l'Union Soviétique dans une
déclaration officielle nette exprimant l'intention des quatre nations de se
consulter immédiatement sur les mesures destinées à empêcher toute nouvelle
agression en Europe. Trois jours auparavant, Litvinov avait proposé
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