Le Troisième Reich, T1
vu [165] ,
trois semaines après Munich, Hitler avait ordonné à ses chefs militaires de
préparer, en même temps que la liquidation du restant de la Tchécoslovaquie,
l'occupation de Memel.
Puisque la marine n'avait eu aucune occasion de se couvrir de
gloire dans la marche sur l'Autriche et le Territoire des Sudètes, enserrés
dans les terres, Hitler décida que Memel serait pris par mer. En novembre, les
plans navals de cette opération furent dressés sous le nom convenu d' «
Exercice de Transport Stettin ». Hitler et l'amiral Raeder
étaient si enthousiastes de cette petite démonstration de puissance navale
qu'ils s'embarquèrent effectivement à Swinemünde sur le
cuirassé de poche Deutschland à
destination de Memel, le 22 mars, exactement une semaine après l'entrée
triomphale du Führer à Prague, et avant que la Lithuanie
sans défense ait eu le temps de capituler devant un ultimatum allemand.
Le 21 mars, Weizsaecker, qui devait, beaucoup plus tard,
proclamer son dégoût envers la brutalité des méthodes nazies, notifia au
gouvernement lithuanien qu'il « n'y avait pas de temps à perdre » et que ses
plénipotentiaires devaient se rendre à Berlin dès le lendemain par avion
spécial pour livrer par écrit le territoire de Memel à l'Allemagne. Les
Lithuaniens arrivèrent docilement à la fin de l'après-midi du 22 mars, mais, en
dépit de la pression germanique exercée personnellement par Ribbentrop poussé
par un Hitler en proie au mal de mer à bord de son cuirassé, ils ne se
pressèrent pas de capituler.
Deux fois durant la nuit, révèlent les documents allemands
saisis, le Führer adressa du Deutschland un radiogramme urgent à Ribbentrop pour demander si les
Lithuaniens avaient cédé conformément aux instructions. Le dictateur et son
amiral voulaient savoir s'ils devaient faire leur entrée dans le port de Memel
en crachant feu de toutes pièces. A une heure trente du matin, le 23 mars,
Ribbentrop put enfin transmettre par radio à son maître la nouvelle que les
Lithuaniens avaient signé (11).
A quatorze heures trente, le 23 mars, Hitler effectua une
nouvelle entrée triomphale dans une nouvelle ville occupée et, au Stadttheater
de Memel, s'adressa une nouvelle fois à une foule enthousiaste. Une nouvelle
clause du Traité de Versailles venait d'être déchirée. Une nouvelle conquête
non sanglante avait été réalisée. Bien qu'il fût impossible au Führer de le
savoir, ce devait être la dernière.
LA FIEVRE MONTE EN POLOGNE
L'annexion du territoire de Memel fut une « surprise très
désagréable » pour le gouvernement polonais, ainsi que, dès le lendemain,
l'ambassadeur d'Allemagne en Pologne, Hans-Adolf von Moltke, en informait
Berlin. « La principale raison en est, ajouta-t-il, que l'on redoute en général
que ce ne soit désormais le tour de Dantzig et du Corridor (12). » Il indiqua
aussi au ministre des Affaires étrangères allemand que Varsovie rappelait des
réservistes. Le lendemain, 25 mars, l'amiral Canaris, chef de l'Abwehr, signala
que la Pologne avait mobilisé trois classes et concentrait des troupes autour
de Dantzig. Le général Keitel ne vit là « aucune intention agressive de la part
des Polonais », mais l'état-major général de l'armée, nota-t-il, « prenait les
choses un peu plus au sérieux (13) ».
Hitler revint de Memel à Berlin le 24 mars. Le lendemain, il eut
un long entretien avec le général von Brauchitsch, généralissime de l'armée de
terre. D'après les notes confidentielles de ce dernier, on s'aperçoit que le
Führer n'avait pas encore exactement décidé comment il procéderait contre la
Pologne (14). En fait, son esprit agité semblait la proie de certaines
contradictions. L'ambassadeur Lipski devait revenir le lendemain 26 mars, et le
Führer ne voulait pas le voir.
Lipski sera de retour de Varsovie dimanche 26 mars (nota
Brauchitsch), il était chargé de demander si la Pologne envisage une
transaction concernant Dantzig. Le Führer est parti dans la nuit du 25 mars; il
ne veut pas être là quand Lipski reviendra. Ribbentrop négociera d'abord. Le
Führer ne souhaite pourtant pas résoudre la question de Dantzig par la force.
Il n'a pas envie de jeter, ce faisant, la Pologne dans les bras de la
Grande-Bretagne.
Une occupation militaire de Dantzig n'est à envisager que
si Lipski laisse entendre que le gouvernement polonais ne peut pas, vis-à-vis
de son peuple, assumer la responsabilité de céder spontanément
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