Le Troisième Reich, T1
l'ambassadeur d'Allemagne
pour lui signifier qu'en réponse à la déclaration de Ribbentrop suivant
laquelle un coup de force polonais contre Dantzig représenterait un casus
belli , il était à son tour contraint de déclarer que toute tentative faite
par l'Allemagne ou le sénat nazi de Dantzig en vue de modifier le statut de la
Ville Libre serait considérée par la Pologne comme un casus belli .
« Vous voulez négocier au bout d'une baïonnette, s'écria
l'ambassadeur.
— C'est là votre propre système », rétorqua Beck (17).
Le ministre des Affaires étrangères polonais, dont les yeux
s'étaient ouverts, pouvait se permettre d'affronter Berlin avec plus de fermeté
que Benès; il savait en effet que le gouvernement britannique, qui, une année
auparavant, avait été soucieux d'aider Hitler à satisfaire ses exigences,
prenait désormais le parti inverse en ce qui concernait la Pologne. Beck avait
personnellement torpillé la proposition britannique d'une déclaration à quatre
pour la raison que la Pologne se refusait à toute forme d'association avec la
Russie.
Mais, le 22 mars, il avait suggéré à Sir Howard Kennard,
ambassadeur de Grande-Bretagne à Varsovie, la conclusion immédiate d'un accord
secret anglo-polonais, prévoyant que les deux gouvernements se consulteraient
immédiatement dans le cas où ils seraient menacés d'une attaque de la part
d'une tierce puissance. Toutefois, alarmés par les mouvements de troupes
allemandes dans la région avoisinant le Corridor, ainsi que par les
renseignements britanniques concernant les revendications allemandes sur la
Pologne (que le rusé Beck avait niées aux Anglais), Chamberlain et Halifax
voulaient aller plus loin que de « simples consultations ». Le soir du 30 mars,
Kennard soumit à Beck une proposition franco-britannique de pacte d'assistance
mutuelle en cas d'agression allemande [166] .
Mais cette initiative devait elle-même être devancée par les
événements. Les rapports qui lui étaient récemment parvenus sur la possibilité
d'une imminente attaque allemande contre la Pologne incitèrent le gouvernement
britannique à demander le même soir à Beck s'il ne voyait pas d'objections à
une garantie unilatérale provisoire britannique de l'indépendance de la
Pologne. Chamberlain voulait être fixé le lendemain, car il souhaitait répondre
à une question du Parlement sur ce point. Beck — dont on peut imaginer le
sentiment de soulagement — n'avait rien à opposer. En fait, il déclara à
Kennard qu'il « acceptait sans hésitation (19) ».
Le lendemain, 31 mars, ainsi que nous l'avons vu, Chamberlain
fit aux Communes une déclaration historique, où il révéla que « la
Grande-Bretagne et la France apporteraient au gouvernement polonais toute
l'aide en leur pouvoir », au cas où la Pologne serait attaquée et résisterait.
A tous ceux qui, à l'instar de l'auteur, se trouvaient à Berlin
en ce dernier week-end de mars 1939, la brusque garantie unilatérale
britannique parut incompréhensible, malgré l'accueil favorable que lui
ménagèrent les pays situés à l'ouest et à l'est de l'Allemagne. A plusieurs
reprises, comme nous l'avons vu, en 1936, lorsque les Allemands entrèrent en
Rhénanie démilitarisée, en 1938, lorsqu'ils envahirent l'Autriche et agitèrent
la menace d'une guerre européenne pour s'emparer de la région des Sudètes, et
quinze jours avant seulement, lorsqu'ils mirent la main sur la Tchécoslovaquie,
l'Angleterre et la France, soutenues par la Russie, auraient pu prendre des
mesures pour arrêter Hitler à peu de frais.
Mais Chamberlain, dans son désir de paix, s'était dérobé. Bien
plus, il s'était écarté de sa voie, il avait, selon ses propres termes, risqué
sa carrière politique pour aider Hitler à obtenir ce qu'il voulait dans les
pays voisins. Il n'avait rien fait pour sauvegarder l'indépendance de
l'Autriche. Il s'était associé au dictateur pour détruire celle de la
Tchécoslovaquie, la seule nation vraiment démocratique des confins orientaux de
l'Allemagne et la seule qui fût une amie de l'Occident et soutînt la Société
des Nations ainsi que le principe de sécurité collective.
Il n'avait même pas tenu compte de la valeur militaire que
représentaient pour l'Ouest les 35 divisions bien entraînées et bien équipées
de la Tchécoslovaquie, retranchées derrière leurs solides fortifications de montagne,
à une époque où la Grande-Bretagne ne pouvait envoyer que 2
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